Ordonne que ces pierres deviennent des pains ! – II
Suite du billet spirituel du mois de février 2018
Le pain n’est pas seulement la nourriture fondamentale de notre existence. Sa fabrication, complexe, résulte d’une appropriation et d’une transformation de la nature par l’homme. Le pain est ainsi une réalité archétypale qui manifeste le pouvoir de l’homme sur la création.
Ainsi donc, derrière la tentation de changer des pierres en pains se révèlent deux erreurs, en vérité sœurs jumelles et filles d’un même idéalisme diabolique : devenir comme des dieux à la place de Dieu.
La première erreur, en effet, consiste à vouloir transformer la société en paradis terrestre au prix d’une abstraction de notre filiation divine (péché contre le Fils). C’est l’erreur de l’athéisme communiste. La seconde erreur consiste à vouloir transformer la réalité de notre condition humaine en niant les lois de la création (péché contre le Père) et la vérité qu’impose le bon sens (péché contre le Saint-Esprit). C’est l’erreur du transhumanisme. Ces deux erreurs s’inscrivent dans une eschatologie terrestre moyennant la promesse d’une béatitude matérielle.
Considérons rapidement la première erreur. Changer les pierres en pains, c’est, disais-je, l’erreur de l’athéisme communiste. L’émancipation des travailleurs par eux-mêmes en fonction d’un droit à la paresse était — l’a-t-on oublié ? — le manifeste et la solution miracle du parti communiste : le pain ne doit plus être gagné à la sueur du front des ouvriers. Derrière cette affirmation, existe, réellement, le refus d’une anthropologie biblique qui donnera naissance à un totalitarisme politique athée, responsable de millions de morts. Marx avait bien compris que la religion, par sa référence au Jugement dernier dont la crainte contenait la révolte ouvrière, était le principal obstacle à la réalisation d’une lutte des classes. Voici ce qu’il écrivait : « L’histoire du péché originel nous fait bien voir, il est vrai, comme quoi l’homme a été condamné par le Seigneur à gagner son pain à la sueur de son front. Mais celle du péché économique comble une lacune regrettable en nous révélant qu’il y a des hommes échappant à cette ordonnance du Seigneur. »
Pour Karl Marx, c’est très clair, l’émancipation des travailleurs passe d’abord par l’émancipation d’un Dieu qu’il faudra présenter aux foules comme arbitraire. Tel est le prix d’un paradis terrestre si l’homme ne veut plus gagner son pain à la sueur de son front. Sauf que le texte de la Genèse ne dit pas « tu gagneras ton pain » mais « tu mangeras ton pain ! » – ce qui est tout à fait différent. Dans l’état actuel de notre condition humaine, marquée par le péché, cultiver le monde (par le travail) et cultiver son âme (par la vertu) demande des efforts corporels et spirituels. Or, vouloir changer les pierres en pains revient tout bonnement à nier cette réalité pour s’enfermer ensuite dans l’illusion d’une eschatologie terrestre où l’homme devient lui-même sa propre référence morale.
Qu’en est-il de la seconde erreur ? Il s’agit de toutes ces entreprises transhumanistes auxquelles nous assistons. Le transhumanisme est un courant philosophique qui a pour prétention de vouloir affranchir l’homme de toute limite, de toute différenciation, de toute détermination naturelle. Dans la sphère de la moralité, cela passe par la promotion de la théorie du gender, d’unions contre-nature, d’un recours égotique à la PMA-GPA, etc… Dans la sphère de la science, il s’agit de remplacer l’homme par la machine ou l’ADN animal, à travers des organes bio-nanotechnologiques dont on pense, à court terme, qu’ils préserveront l’homme de la maladie et de la mort. En fait, pour le transhumanisme, les hommes doivent devenir des dieux sans Dieu.
À première vue, que l’homme devienne ici-bas immortel pourrait nous paraître un véritable progrès. Mais détrompez-vous ! Imaginez un instant ce que deviendrait le monde si les mêmes, par exemple, restaient éternellement au pouvoir. Il n’y aurait plus de place pour la nouveauté ou les questionnements qu’apportent les jeunes esprits… Plus que le paradis sur terre, l’immortalité artificielle amènerait l’enfer sur terre ! Sans nouveauté, sans remise en cause possible, la civilisation humaine serait vite sclérosée, vermoulue et condamnée à disparaître moyennant une lente et inflexible décadence.
En fait, sous couvert d’humanisme, le transhumanisme porte en lui-même le germe de sa destruction, comme le communisme. Derrière ces idéologies, Satan propose à l’humanité l’ivresse d’une progression. Mais une progression radicalement fondée sur la transgression de la réalité, sur un péché contre la création : « Change les pierres en pains. » Non… Vade retro ! Ça ne marche pas comme ça avec Dieu. J’imagine le dépit du démon…
Aussi, chers frères et sœurs, ne nous trompons pas d’humanisme. Aucune promesse de la société, aussi merveilleuse soit-elle, ne pourra jamais se substituer aux droits et devoirs que nous enseigne l’Évangile et la loi naturelle. La réalité de notre condition humaine, depuis Genèse chapitre 3, aussi douloureuse peut-elle parfois nous paraître, n’est pas un démenti de la miséricorde exceptionnelle que Dieu nous porte. Nous avons du prix aux yeux de Dieu. Par sa mort, le Christ a lui-même payé la dette de nos péchés (cf. 1 Tim., 2, 5-6) pour nous ouvrir la porte étroite du Royaume des Cieux.
C’est pourquoi, en guise de conclusion, j’aimerais vous rappeler ce passage de l’Évangile (Mat., 6, 25-27) : « Ne vous inquiétez pas pour votre vie, de ce que vous mangerez. La vie n’est-elle pas plus que le corps ? Regardez les oiseaux du ciel : ils ne sèment pas, ils ne moissonnent pas, ils ne recueillent rien dans les granges et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux ? »