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Pour l’Unité

du monde par l’Église catholique

« Rassembler dans l'unité les enfants de Dieu dispersés » (Jean 11, 52)
▪︎ Publié il y a 7 ans ▪︎

Le respect de la parole donnée en politique : mensonge souhaitable ou langage de vérité ?

En ce temps de primaires électorales, de futures élections présidentielles et législatives… et de Noël, je voudrais attirer votre attention sur le sens et l’importance de la parole donnée en politique, puisque nous allons vivre de « grands moments »… Mais quel rapport peut-il y avoir entre le respect de la parole donnée en politique et Noël, entendu au sens chrétien du terme, c’est-à-dire la naissance de Jésus-Christ, le Verbe de Dieu fait chair (cf. Jean 1, 14), et non au sens de la fête de réunion de famille de fin d’année.

Premièrement, comme les mots ont un sens, toute personne qui a un rôle public, dont les responsables politiques, ne doit pas dire n’importe quoi en raison de l’impact et de l’influence évidents de ses paroles sur les foules. À Noël, la Parole de Dieu a révélé la totale concrétisation de ce qui était annoncé par les prophètes : la naissance de son Fils, Jésus-Christ, « Verbe fait chair »[1]. Dieu n’a donc pas dit n’importe quoi aux hommes pendant des siècles. Et le Christ, « Verbe de Dieu » tant jeune adolescent qu’à l’âge adulte, a continué à parler dans la même veine que son Père en délivrant sans aucune démagogie un message de Salut cohérent et sans détour[2] (quand bien même on n’y adhère pas, mais cette adhésion ou non au message est un autre sujet). Il a assumé jusqu’au bout ce qu’il annonçait malgré les pressions subies et toutes les embûches. Il n’est jamais revenu sur sa parole.

Comment en politique ne pas tomber dans la démagogie des propos alors que la sur-médiatisation épie les moindres faits et gestes et les paroles des responsables politiques, que les pressions en tout genre et les coups tordus s’exercent sur le candidat pour qu’il accorde ce que demandent certains et que, pour lui-même, il obtienne en retour le soutien qui lui permettra d’emporter la place tant convoitée. Ce voyeurisme médiatique est si intense qu’il crée les conditions idéales pour que tout un chacun se dédie pour ne pas être jeté à la vindicte populaire. La floraison des cabinets de communication en dit long sur cette époque saturée de paraître et de démagogie. Les luttes féroces des primaires de droite, et ce qui se met en place à gauche, montre également tout l’envers du décor de la politique. On peut facilement comprendre enfin que l’intérêt général est sinon absent, du moins très relatif, dans cette quête du pouvoir.

Secondement, parce que le « Verbe fait chair » a aussi conformé les actes à sa parole. Dès Noël, effectivement, Dieu a montré que son « Verbe » allait conformer sa parole à ses actes puisque le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs nait dans le dénuement le plus total et qu’il a vécu ensuite une vie de pauvreté et d’humilité.[3] Cette façon de vivre était la seule crédible pour faire passer le message aux foules, même si bien peu de ses contemporains l’ont compris de son vivant.

Il n’est pas demandé aux responsables politiques de vivre dans la condition matérielle du Christ, mais il leur est demandé de conformer leurs actes à leurs paroles. En réalité, il n’y a pas de différence en ce qui regarde la vérité de la parole prononcée par le Christ ou par un responsable politique, car ce dernier porte son projet par sa parole. Il exprime à tous ce qu’il pense, ce qu’il envisage de faire, ce qu’il va faire. Les systèmes démocratiques sont supposés pleinement reposer sur la crédibilité de cette parole. On est très loin du compte. Et les affaires de corruptions et de mœurs n’arrangent rien. Tous ces comportements nuisent gravement à la crédibilité de la Politique en créant chez les peuples un rejet des élites politiques qui n’est jamais bon pour l’avenir.

Le non-respect de la parole donnée s’appelle un mensonge. Qu’il soit habillé de n’importe quelle façon pour cacher ou simplement diminuer sa réalité, il reste un mensonge. En droit, dans un contrat passé entre deux personnes, le non-respect de la parole donnée est un vice de fond qui rend caduque de fait le contrat. Or, la politique, c’est-à-dire la conduite des affaires publiques d’un État, est autrement plus importante que nos affaires privées en raison des enjeux nationaux, mondiaux, et des décisions prises qui touchent à la vie de millions de Français et d’étrangers. La politique requiert donc de la part de tous ceux qui s’y engagent l’honnêteté dans le respect de la parole donnée. Comment bâtir un contrat social qui puisse tenir dans un pays si le mensonge s’installe au point de faire des promesses dont on sait pertinemment qu’on ne les tiendra pas. On est lassé d’entendre ces discours creux et vides de sens tandis que ceux qui les prononcent n’en croient pas de toute façon un traitre mot. Tout est dans l’apparence et le faux semblant. Tout le monde est perdant à ce jeu là et, un jour, on finit par récolter de mauvais fruits.

Certains rétorqueront qu’en politique le mensonge est inévitable et qu’il peut aller de pair avec la vérité.[4] Cela voudrait-il signifier qu’il faut forcément être magouilleur, voire corrompu, pour faire de la politique et que celle-ci, par nature, serait fondamentalement viciée ? Ce n’est heureusement pas la vision qu’en a l’Église catholique. Pie XI, disait que « la politique est le domaine de la plus vaste charité » et le concile Vatican II rappelle à « tous les chrétiens [qu’ils] doivent prendre conscience du rôle particulier et propre qui leur échoit dans la communauté politique : ils sont tenus à donner l’exemple en développant en eux le sens des responsabilités et du dévouement au bien commun. »[5]. Il faut en conclure que l’Église ne pourrait pas demander aux chrétiens de s’engager dans un exercice par nature vicié et que l’engagement politique est noble.

Encore faut-il se donner les moyens de faire de la politique un noble exercice, être pétri d’idéal et de l’amour du bien commun pour vouloir ainsi mener à bien le but qu’on s’est fixé malgré les obstacles et les multiples difficultés qui rendent la tâche ardue. Avoir de l’idéal ce n’est pas être un idéaliste, un utopiste, mais être un réaliste réfléchi, plein de bon sens et véritablement attentif au bien du peuple. Même si nous ne vivons pas dans un monde parfait, il est demandé à cette fin aux responsables politiques de tout faire pour mener les choses avec courage, droiture et vérité.[6]

• Mahrien

Décembre 2016

 

 

PS : Il serait bien aussi que, particulièrement en France, on n’arrête de dissocier Dieu de la vie publique. La laïcité bien comprise n’exclut pas Dieu mais le met à sa juste place… qui n’est certainement pas d’être au placard. À bon entendeur, salut !                     

 

[1] « Un enfant nous est né, un fils nous a été donné » (Isaïe 9, 5).

[2] Déjà lors de la présentation de Jésus au Temple, à douze ans (cf. Luc 2, 46-47).

[3] « Que chacun de vous ne soit pas préoccupé de ses propres intérêts ; pensez aussi à ceux des autres. Ayez en vous les dispositions qui sont dans le Christ Jésus : le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect » (Ph 2, 4-7).

[4] Un des pires exemples est le discours mensonger prononcé au conseil des Nations-Unies le 5 février 2003 par le secrétaire d’État américain, Colin Powell, lequel a présenté au monde entier de fausses preuves de la présence d’armes de destruction massive qui auraient été détenues par les irakiens. Nous payons encore aujourd’hui les conséquences de ce mensonge qui a conduit à une nouvelle invasion du pays par les USA et certains de ses alliés : déstabilisation du Moyen-Orient, multiples attentats terroristes dans la région et en Europe. http://tempsreel.nouvelobs.com/debat/20130301.OBS0470/exclusif-colin-powell-comment-la-cia-m-a-trompe.html

[5] Concile Vatican II, Constitution Gaudium et Spes, § 75, 5.

[6] « Aimez la justice, vous qui gouvernez la terre, ayez sur le Seigneur des pensées droites, cherchez-le avec un cœur simple, car il se laisse trouver par ceux qui ne le mettent pas à l’épreuve, il se manifeste à ceux qui ne refusent pas de croire en lui. Les pensées tortueuses éloignent de Dieu, et sa puissance confond les insensés qui la provoquent. Car la Sagesse ne peut entrer dans une âme qui veut le mal, ni habiter dans un corps asservi au péché. L’Esprit saint, éducateur des hommes, fuit l’hypocrisie, il se détourne des projets sans intelligence, quand survient l’injustice, il la confond.» (Sagesse 1, 1-5).