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Pour l’Unité

du monde par l’Église catholique

« Rassembler dans l'unité les enfants de Dieu dispersés » (Jean 11, 52)
▪︎ Publié il y a 5 ans ▪︎

Conférence : « Le Pape, Primauté – Infaillibilité »

Avertissement

Le 25 octobre 1994, en l’église Saint-Louis-en-l’Île à Paris, dans le cadre d’une série d’actions de soutien au Saint-Père, l’Unité avait proposé une conférence sur la primauté et l’infaillibilité du pape donnée par le Père Francis de Chaignon, prêtre et professeur à l’École Cathédrale. Les paroles ont été retranscrites dans un style plus adapté à la lecture, et complétées par des notes et une bibliographie. Le lecteur trouvera également la réponse à la plupart des questions particulières posées par les auditeurs le jour de la conférence. Les documents et textes joints sont le fait de notre part en accord avec le Père de Chaignon.

Cette conférence permettra à tous ceux qui se posent des questions sur ce sujet d’en avoir une juste perception correspondant à l’enseignement de l’Église catholique, loin des clichés et des a priori habituels.

Pour l’Unité

 

 

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Conférence Le Pape Primauté – Infaillibilité 25-10-1994 Pour l’Unité

 

 

 

Avant propos

La conférence que nous vous proposons aujourd’hui sur le thème « LE PAPE, PRIMAUTÉ – INFAILLIBILITÉ », répond à un double objectif :

♦ D’une part, soutenir le Saint-Père face à ses détracteurs. Nous savons qu’ils sont très nombreux et prennent même rang parmi des personnes qui devraient lui être entièrement acquises ! Mais souvenons-nous que déjà notre Seigneur en personne était abandonné par une grande partie de ses disciples… Reste à savoir si à la question de Jésus : « Voulez-vous partir, vous aussi ? », nous saurions répondre comme Pierre : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle » (Jn 6, 67-68). Le Pape aujourd’hui plus que jamais proclame ces paroles…

♦ Notre second objectif est de faire aimer le Saint-Père. Chacun sait que pour aimer une personne il faut la connaître. Eh bien pour aimer le pape, il faut connaître l’institution papale. Ainsi seulement nous sera-t-il donné de comprendre l’importance de la mission que remplit le Vicaire du Christ, le Successeur de Pierre[1] dans l’Église et dans le monde.

Si le Souverain pontife est aujourd’hui tellement critiqué, c’est bien parce qu’il accomplit jusqu’à épuisement sa mission, celle de rappeler inlassablement à tous la splendeur de la vérité de l’Évangile de Jésus-Christ sans laxisme ni sectarisme, dans une société où l’égoïsme et le profit règnent en maître.

Qu’il me soit permis, à ce propos, de citer deux passages évocateurs de la deuxième lettre de saint Paul à Timothée :

« Sache bien par ailleurs, que dans les derniers jours, surviendront des moments difficiles. Les hommes en effet seront égoïstes, cupides, vantards, orgueilleux, diffamateurs, rebelles à leurs parents, ingrats, sacrilèges, sans cœur, implacables, médisants, intempérants, intraitables, ennemis du bien, délateurs, effrontés, aveuglés par l’orgueil, plus amis de la volupté que de Dieu, ayant les apparences de la piété mais reniant ce qui en est la force. Ceux-là aussi, évite-les » (2 Tm 3,1-5).

Quant à la mission même du Pape, ne la reconnaissons-nous pas dans la suite des paroles de saint Paul :

« Je t’adjure devant Dieu et devant le Christ Jésus qui doit juger les vivants et les morts, au nom de son apparition et de son règne : proclame la Parole à temps et à contretemps, réfute, menace, exhorte, avec une patience inlassable et le souci d’instruire. Car un temps viendra où les hommes ne supporteront plus la saine doctrine, mais au contraire, au gré de leurs passions et l’oreille les démangeant, ils se donneront des maîtres en quantité et détourneront l’oreille de la vérité pour se tourner vers des fables. Pour toi, sois prudent en tout, supporte l’épreuve, fais œuvre de prédicateur de l’Évangile, acquitte-toi à la perfection de ton ministère » (2 Tm 4, 1-5). C’est là tout ce que fait le Saint-Père[2].

Je remercie vivement le Père Laverton, Curé de Saint-Louis-en-l’Île, de nous avoir accueilli une fois encore dans son église. Nous en sommes d’autant plus heureux que l’Esprit Saint semble avoir bien fait les choses : c’est en effet ici même que s’est rendu le pape Pie VII (1800-1823) pour célébrer une messe le 10 mars 1805 alors qu’il se trouvait à Paris pour le sacre de l’empereur Napoléon Ier. La tiare surmontée du Saint-Esprit qui orne le maître autel nous rappelle cette journée.

Je remercie bien sûr tout particulièrement notre conférencier, le Père Francis de Chaignon, vicaire à l’église Saint-Séverin et professeur à l’École Cathédrale de Paris, qui a bien voulu accepter de nous parler du Pape.

V.T.

CONFÉRENCE

Le projet du concile Vatican I (1869-1870) était de réfléchir à l’Église. Une constitution était donc en préparation mais le texte n’avait pas encore été discuté ni voté. En revanche, les pères conciliaires avaient déjà discuté et voté deux parties du travail entrepris durant ce concile : l’une sur la foi catholique et l’autre sur la primauté pontificale.

Devant les vicissitudes de l’époque et les dangers que les différentes nations d’Europe faisaient courir à la paix, il était urgent d’accélérer les travaux. C’est la raison pour laquelle le concile décida de promulguer les deux constitutions suivantes : Dei Filius (Le Fils de Dieu) sur la foi catholique et Pastor aeternus (Le Pasteur éternel) sur la primauté pontificale. Le reste fut remis dans des cartons, dans l’attente d’une reprise ultérieure des travaux.

Malheureusement, la guerre franco-prussienne éclata en Europe et Napoléon III retira très rapidement de Rome ses troupes qui défendaient ce qui restait des États pontificaux contre les armées piémontaises. Dès ce retrait, ces dernières envahirent la ville éternelle le 20 septembre 1870. Elle devint alors la capitale de l’État Italien.

Le 20 octobre suivant, le pape Pie IX (1846-1878) suspendit le concile de Vatican I qui fut remis sine die. Ce qui fait que lorsque Jean XXIII (1958-1963) décidera de convoquer le concile Vatican II, certains iront jusqu’à se demander si celui-ci n’était pas tout simplement la continuation du précédent. Il est évident que Vatican II poursuit les travaux de Vatican I. En effet, les textes de ces deux conciles se complètent et forment un diptyque. Ils doivent donc être lus ensemble si nous voulons comprendre la doctrine de l’Église sur elle-même et en particulier sur le pape et sa primauté. Ainsi parlerons-nous à plusieurs reprises de la première constitution dogmatique du concile Vatican II consacrée à l’Église : Lumen gentium (Le Christ, lumière des peuples).

Pour parler du pape, il ne suffit pas d’étudier ces deux conciles : un concile ne fabrique pas une doctrine, ni deux conciles davantage. Ils sont faits en réalité pour expliciter, clarifier, formuler une doctrine et pour la proposer aux fidèles. Mais ce qui est ainsi livré, c’est un aspect du dépôt vivant de la Tradition qui est vécue et confessée plus ou moins clairement par le peuple chrétien tout entier. Aussi ce qu’affirme un concile, c’est ce qui a été révélé par Dieu. Il convient donc de se référer à la source de la Révélation, de voir quelle a été la volonté du Christ et en particulier, de voir dans la Bible ce qu’il en est.

Nous allons donc commencer notre étude par une promenade scripturaire dans le Nouveau Testament pour savoir s’il est question d’une primauté éventuelle dans l’Église et en quels termes. Nous verrons donc ce qui a trait à l’Apôtre Pierre. Nous essaierons de faire un portrait théologique. C’est un nouveau genre de portrait que vous ne connaissez peut-être pas mais qui est très utile si l’on veut savoir ce que croit l’Église.

 

1ère partie : LA PRIMAUTÉ DU SAINT-PÈRE

I/ LA PRIMAUTÉ DE PIERRE DANS LES ÉVANGILES

Premier trait : Pierre, premier cité parmi les Douze

Si vous relisez dans le Nouveau Testament les listes d’Apôtres, vous constaterez que ces derniers sont cités dans un ordre variable. Mais une dominante s’impose : toutes les listes commencent par Pierre et finissent d’ailleurs par Judas ! Vous en trouvez ainsi trois dans les Évangiles et une au début des Actes des Apôtres[3].

Deuxième trait : Pierre, premier appelé par le Christ et porte-parole des Apôtres

Les Synoptiques (Matthieu, Marc et Luc) présentent Pierre comme celui qui est le premier appelé par le Christ, premier appelé et premier envoyé par lui en mission. Par exemple, lors de l’appel des premiers Disciples, il est dit : « Il vit deux frères, Simon, appelé Pierre, et André son frère » (Mt 4, 18). Et un peu plus loin, lorsque le Christ envoie les Douze pour une première mission, saint Matthieu nous donne la liste complète des Apôtres qui commence par Pierre (cf. note 2).

Dans l’Évangile de saint Luc, l’appel des premiers Disciples est suivi de la pêche miraculeuse dans laquelle Simon-Pierre joue un rôle primordial. Le Christ lui déclare en effet : « Sois sans crainte ; désormais ce sont des hommes que tu prendras » (Lc 5, 1-11). À travers lui, c’est également à tous les Apôtres que Jésus s’adresse. Et, dans le même temps, le fait de parler seulement à Pierre montre déjà, nous le verrons plus loin, la fonction de chef que le Christ lui attribuera plus tard. Mais nous voyons ici et là, dans les Évangiles, que Pierre est toujours le porte-parole du groupe des Douze. Il les représente, il exprime souvent les questions des Disciples, ou bien alors, lorsque des gens du dehors veulent poser une question aux Apôtres où à travers eux à Jésus, c’est à Pierre qu’ils s’adressent[4].

Dans Marc, après avoir questionné les Disciples sur l’opinion de la foule à son égard, Jésus leur demande à nouveau : « Pour vous, qui suis-Je ? », Pierre répond : « Tu es le Christ ». Il agit ainsi au nom de tous les Apôtres (Mc 8, 27-29)[5].

Il en va de même dans le texte de saint Jean cité en introduction : « Voulez-vous partir vous aussi ? » Simon-Pierre répondit : « Seigneur à qui irions-nous, tu as les paroles de la vie éternelle » (Jn 6, 67-68).

Troisième trait : le Christ change le nom de Pierre

Un événement décisif, qui, cette fois, ne concerne vraiment que Pierre, c’est le changement de nom de Simon en Pierre – « Képhas » en araméen, « Petros » en grec. Les quatre évangélistes mentionnent ce changement[6], et ils signalent, c’est important, que c’est Jésus qui attribue à Simon ce nouveau nom de Pierre. Ce n’est pas un surnom comme en avaient Jacques et Jean par exemple : « Les fils du tonnerre » (Mc 3, 17). Non, il s’agit bien ici d’un nouveau nom. Pourquoi ? Parce qu’il est donné en lien avec une charge, avec une mission confiée par le Christ.

Quatrième trait : le Christ lui confie une charge

Jésus a fait cela par son autorité divine. Il a donc fait de Pierre un roc. C’est un acte décisif du Christ que les évangélistes placent à un moment capital. C’est encore plus clair chez Matthieu où l’épisode se situe exactement au milieu de l’Évangile (Mt 16, 13-20). Jusqu’à présent, Jésus avait montré qu’il était le Messie attendu. Après ce chapitre, il montre quel Messie il doit être. Dans ce passage Jésus suscite le premier acte de foi des Apôtres et il le reçoit de la bouche de Pierre. Et voilà posée la première assise de l’édifice que doit être l’Église.

Je cite ce texte bien connu et qui vient à l’esprit dès que l’on évoque la primauté de Pierre et en donnerai quelques explications : « Tu es Pierre et, sur cette pierre je bâtirai mon Église et les portes de l’Hadès ne tiendront pas contre elle. Je te donnerai les clefs du Royaume des Cieux. Quoi que tu lies sur la terre sera lié dans le Ciel et quoi que tu délies sur la terre sera tenu pour délié dans le Ciel » (Mt 16, 18-19).

  • Que symbolisent les  clefs ?

L’autorité de celui qui administre une maison ou un domaine, le pouvoir du majordome, de l’intendant ou d’un premier ministre. C’est le pouvoir reçu du maître pour gérer son domaine à sa place.

  • Lier et délier

C’est un couple de verbes fréquent que l’on retrouve dans le langage des rabbins de l’époque lorsqu’il est question de l’interprétation de la Loi de Dieu : la Torah. Le rôle des rabbins est de déclarer si une chose est permise ou défendue par la Loi et donc, dans telle situation précise, de lier ou de délier la conscience. Ou encore, et c’est une conséquence, d’exclure de la communauté ou d’y réintégrer en fonction de l’observance de la Loi.

Nous voyons donc en Pierre l’intendant de la maison de Dieu que le Christ appelle « l’Église » et sur laquelle Pierre reçoit une autorité spirituelle.

Cinquième trait : le Christ lui demande d’affermir ses frères dans la foi

Venons-en à un deuxième texte classique de l’Évangile selon saint Luc situé au moment de la Passion. Jésus prononce des paroles graves :

« Simon, Simon, voici que Satan vous a réclamés pour vous cribler comme le froment, mais moi, j’ai prié pour toi afin que ta foi ne défaille pas. Toi donc, quand tu seras revenu, affermis tes frères » (Lc 22, 31-32)[7].

Nous sommes ici dans le contexte de l’assaut de Satan contre le Christ et même dans celui plus large de l’assaut des puissances du Mal contre les saints et l’Église[8]. Comment Jésus va-t-il nous protéger de ces assauts ? Il le fait en priant pour la foi de Pierre qui est le fondement d’une communauté : l’Église, contre laquelle les portes de l’Hadès ne pourront prévaloir.

Si l’on va maintenant un peu plus loin dans saint Luc, après l’Évangile sur la Résurrection, on se rend compte qu’au début les Apôtres ne croient pas les femmes. C’est pur radotage selon eux et ils sont complètement découragés[9]. Pourtant, les pèlerins d’Emmaüs, à leur retour à Jérusalem, trouvent le groupe des Apôtres rassurés et disant : « C’est bien vrai, le Seigneur est ressuscité et il est apparu à Simon » (Lc 24, 33-34). Pierre avait donc déjà confirmé ses frères dans la foi.

Sixième trait : le Christ lui demande d’être le pasteur vigilant du troupeau

Un dernier texte central, dans saint Jean (Jn 21, 15-17), c’est l’apparition de Jésus à ses Apôtres au bord du Lac de Tibériade. Par trois fois il charge Pierre de la garde du troupeau : « Pais mes agneaux (…) Sois le berger de mes brebis (…) pais mes brebis ». Jésus lui confie la mission de Pasteur, la sollicitude du troupeau, une sollicitude efficace qu’il devra exercer avec autorité, l’autorité même du Christ.

 

II/ LA PRIMAUTÉ DE PIERRE DANS LES AUTRES TEXTES DU NOUVEAU TESTAMENT

Plusieurs textes du Nouveau Testament, qui parlent des apparitions du Christ ressuscité, citent Pierre en premier.

Les Actes des Apôtres

Pierre a l’initiative et décide en chef. Il intervient dans un groupe « au nombre d’environ cent vingt personnes », nous dit-on, pour que l’on désigne en remplacement de Judas, un nouvel Apôtre qui sera choisi parmi « ces hommes qui nous ont accompagnés » (Ac 1, 15-26). Après la Pentecôte, c’est lui le premier qui s’adresse à la foule (Ac 2, 14-41). C’est lui qui, en compagnie de Jean, opère le premier miracle de la nouvelle communauté au nom de Jésus-Christ (Ac 3, 1-10). Les Actes nous disent en outre que Pierre était considéré par la foule comme celui qui, plus encore que les autres Apôtres, opère des merveilles (Ac 5, 12-16). Devant les accusations du Sanhédrin, c’est Pierre qui, « rempli de l’Esprit Saint », défend la foi en Jésus-Christ (Ac 4, 1-22). Dans le cas pénible d’Ananie et de Saphire, Pierre manifeste son autorité de responsable de la communauté en leur reprochant un mensonge à propos du produit d’un bien qu’ils avaient vendu (Ac 5, 1-11). Il fera de même vis-à-vis de Simon le magicien qui avait offert de l’argent aux Apôtres pour obtenir l’Esprit Saint par l’imposition des mains (Ac 8, 9-25).

C’est encore lui que l’Esprit Saint, par le biais d’un songe, poussera le premier à faire ce pas décisif d’ouvrir la porte de l’Église aux païens alors qu’il y était réticent : ce sera l’épisode du baptême du centurion Corneille (Ac 10). Il devra même se justifier de cette action auprès des Juifs convertis de Jérusalem[10]. C’est aussi le rôle de Pierre lors de l’assemblée de Jérusalem, cette assemblée synodale, de régler la « controverse » entre, d’une part, Paul et Barnabé, et d’autre part, des croyants de Judée sur le fait d’imposer ou non la circoncision aux nouveaux baptisés (Ac 15, 1-30). Il jouit d’une protection spéciale pour accomplir toute la mission pastorale qui lui a été confiée (Ac 12, 1-18). Pierre, lorsqu’il parle, reconnaît que cette autorité qu’il a sur les autres Apôtres et la nouvelle communauté lui vient de Dieu : « Dieu m’a choisi parmi vous pour que les païens entendent de ma bouche la parole de la Bonne Nouvelle et embrassent la foi » (Ac 15, 8).

Saint Paul et l’Épître aux Galates

Paul est monté à Jérusalem pour rendre visite à Képhas-Pierre afin de s’assurer qu’il n’a pas couru en vain et qu’il est dans la bonne voie (Ga 1, 18). Il reconnait que c’est le Christ qui a fait de Pierre « l’apôtre des circoncis » (Ga 2, 7-8). Enfin Paul mentionne la controverse sur la circoncision et indique que c’est grâce à ses explications que Pierre tranchera la position à adopter sur ce point (Ga 2, 11-21)[11].

Saint Paul et la première Epître aux Corinthiens

« Je vous ai transmis d’abord ce que j’avais moi-même reçu, à savoir que le Christ est mort pour nos péchés, qu’il est ressuscité le troisième jour selon les Écritures, qu’il est apparu à Képhas, puis aux Douze » (1 Co 15, 3-5). Pourquoi Pierre est-il cité en premier ? Parce qu’être témoin du Ressuscité est la base de la mission d’apôtre. Avoir vu le Christ en premier indique une primauté de Pierre dans l’apostolat.

Saint Pierre et la deuxième Épître

Ici encore, il reconnaît que son rôle est d’affermir ses frères dans la vérité (2 P 1, 12-15). Et durant tout le reste de l’Épître, il exhorte les fidèles à rester dans la vérité et à se méfier des faux docteurs.

Voila donc un ensemble de textes marquant le rôle de Pierre et qui nous ont permis de faire son « portrait théologique ».

 

III/ LA PLACE ET LE RÔLE DES AUTRES APÔTRES

Mais dans le Nouveau Testament et les Évangiles en particulier, Pierre est-il le seul concerné, est-il le seul Apôtre à recevoir une mission ? Évidemment non. D’ailleurs si c’était le cas, on n’aurait pas besoin de parler de son primat !

Les Douze ont reçu eux aussi la mission d’être Apôtre

Il est intéressant de voir comment le Nouveau Testament, à côté des textes précédemment cités, présente d’autres textes.

Ainsi, à propos du pouvoir de lier et de délier, évoqué plus avant au chapitre 16 de Matthieu, dans le même Évangile, le Christ confie également ce pouvoir à l’ensemble des Apôtres :

« En vérité Je vous le dis, tout ce que vous lierez sur la terre sera tenu au Ciel pour lié, et tout ce que vous délierez sur la terre sera tenu au Ciel pour délié » (Mt 18, 15-18).

On ne peut pas penser que ce soit une inadvertance de saint Matthieu de nous avoir donné ces deux textes, l’un adressé à Pierre et l’autre à l’ensemble des Apôtres.

  • Si nous évoquons maintenant cette qualité de fondement de l’Église conférée à Pierre et que nous rapprochons le texte de Matthieu 16 d’autres textes du Nouveau Testament, il apparaît que tous les Apôtres partagent cette qualité : « La construction que vous êtes a pour fondation les Apôtres et les Prophètes » (Ep 2, 20).

Saint Paul, dans l’Épître aux Galates parle de « Jacques, Képhas et Jean qui passent pour être des colonnes » (Ga 2, 9).

Saint Jean, dans l’Apocalypse décrivant la nouvelle Jérusalem dit : « Le rempart de la ville repose sur douze assises portant chacune le nom de l’un des douze Apôtres de l’Agneau » (Ap 21, 14).

  • Quant à être pasteur et à diriger le troupeau, saint Pierre évoque le rôle des anciens qui doivent « faire paître le troupeau» (1 P 5, 1-4) ou encore saint Paul parle du soin du troupeau que doivent prendre les Anciens dans les communautés (Ac 20, 28-32).

Ce qui est important lorsque nous rapprochons tous ces textes, c’est de remarquer que chaque fois qu’une chose est donnée à tous, elle est cependant donnée particulièrement à Pierre. Non pas que les autres le reçoivent de Pierre, ils le reçoivent eux aussi du Christ, mais Pierre, au milieu d’eux, le reçoit le premier et d’une façon singulière. Si vous réfléchissez à tout ceci, vous comprenez alors ce que l’on appelle le primat. Donnons-en une première caractérisation :

Un collège structuré avec à sa tête un chef

Le collège des douze Apôtres, choisi par Jésus, est structuré. Il a une tête : Pierre. Il est le premier dans cela même qui fait qu’un Apôtre est apôtre, à savoir : un témoin du Christ ressuscité, et choisi par lui en vue d’une mission, d’un envoi.

Un collège qui tient son autorité du Christ

Mais cette primauté concerne aussi l’autorité qui fait des Apôtres des chefs de communauté, à travers le pouvoir de lier et de délier, le témoignage et l’enseignement sur le Christ et la charge d’être pasteur.

 

IV/ L’ASSISTANCE DU CHRIST À SON ÉGLISE ET LA QUESTION DE LA SUCCESSION APOSTOLIQUE

La promesse de Jésus-Christ d’assister son Église

Or, en tout cela, le Christ a promis son assistance et sa présence jusqu’à la fin des temps. Souvenez-vous du dernier verset de l’Évangile de saint Matthieu : « Et voici que moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’a la fin du monde » (Mt 28, 20).

Cette promesse du Christ implique que le ministère apostolique va durer lui aussi jusqu’a la fin des temps, tant dans son contenu que dans la manière dont il est structuré, puisque cette structure est voulue par le Christ. Après l’Ascension, l’Église est assurée de subsister jusqu’à la fin des temps, avec cette structure : un collège avec à sa tête un chef. Si vous avez compris cela, vous avez tout compris. Il n’y a rien de plus dans la théologie du primat, sinon beaucoup de spécifications et de manières dont ce primat devra être exercé par la suite dans l’Église.

Qu’appelle-t-on la succession apostolique ?

La succession apostolique est le fait que le collège des Apôtres, après la mort du dernier Apôtre, perdure dans un autre collège dans lequel il est rendu présent : le collège des évêques. Lorsque l’on parle de succession dans le primat, nous voulons dire que l’Apôtre Pierre, qui exerçait un primat dans le collège des Douze, succède une autre personne qui va assurer le primat dans le collège des évêques, succédant lui-même au collège des Apôtres.

Les promesses du Christ sont au futur : « Je bâtirai mon Église (…) Je te donnerai les clefs (…) Ce que tu lieras sur la terre » (Mt 16, 18-19).

Il envisage donc quelque chose qui se passera au futur. Ce futur est précisément le temps de l’Église, le temps où nous sommes. Nous en déduisons bien une succession de Pierre dans son rôle de premier, d’initiateur et de représentation. Primauté dans le collège et aussi sur l’ensemble de l’Église du fait que Pierre a reçu personnellement du Christ la mission de paitre le troupeau.

La constitution Lumen gentium au numéro 22 résume ainsi cette doctrine :

« De même que saint Pierre et les autres Apôtres constituent, de par l’institution du Seigneur, un seul collège apostolique, semblablement le pontife romain, successeur de Pierre et les évêques successeurs des Apôtres, forment entre eux un tout »[12].

 

V/ LA TRADITION DE L’ÉGLISE DANS LE CHOIX D’UN PAPE

Nous laissons maintenant le terrain strictement scripturaire pour nous engager dans ce courant de la Tradition de l’Église. Les Apôtres se sont choisis des collaborateurs et des successeurs.

Où faut-il chercher le successeur de Pierre ?

Dans la ville dans laquelle saint Pierre a versé son sang, c’est-à-dire dans l’Église qu’il a fondée par son sang : Rome, bâtie sur le sang des bienheureux Apôtres Pierre et Paul[13]. Aucune autre ville n’a jamais revendiqué une chose aussi glorieuse que le martyr de Pierre en ses murs. Sur ce point les données sont totalement convergentes.

Les données littéraires et archéologiques

Les principales données de ce dossier sont d’abord littéraires. Dès la fin du premier siècle une lettre de saint Clément de Rome[14] adressée aux Corinthiens atteste le martyr de Pierre et Paul à Rome. Nous avons moins de vingt ans plus tard, au 2e siècle, une lettre de saint Ignace d’Antioche[15] aux Romains qui parle de Pierre et Paul. Vers 130, l’évêque d’Hiérapolis Papias (cité par Eusèbe de Césarée) mentionne la catéchèse romaine de Pierre. Vers l’an 200, une lettre de Gaïus, un prêtre phrygien, dit à son destinataire : « Je peux te montrer les trophées (les tombeaux) des Apôtres. Que tu ailles au Vatican ou sur la route d’Ostie, tu y verras les trophées de ceux qui fondèrent l’Église romaine ».

Toutes ces sources littéraires ont été confirmées par les données archéologiques, et notamment par les fouilles entreprises par Pie XII (1939-1958) sous la basilique Saint-Pierre pour aménager le tombeau de son prédécesseur. On a retrouvé à l’aplomb du maître autel divers monuments et témoins archéologiques, y compris un petit monument très modeste du 11e siècle qui correspond à celui dont parle Gaïus.

Le primat de l’Église de Rome sur les autres Églises

L’évêque de Rome est donc le successeur de l’Apôtre Pierre. Il exerce un primat sur les autres évêques et dans l’ensemble de l’Église. Ces trois données sont attestées depuis les origines de l’Église notamment par de nombreux témoignages qu’il serait trop long ici de développer. Nous en citerons simplement quelques uns sur le fait que Rome exerce un primat sur les autres Églises : saint Ignace d’Antioche parle de « l’Église qui préside à la charité ». Saint Irénée[16] évoque « l’importance plus grande de Rome ». Saint Cyprien[17] parle explicitement du « primat de Rome ». On s’adresse au pape pour arbitrer des conflits ou pour demander des conseils.

Dès le 3e siècle, alors que les documents sur l’Église ancienne se font plus abondants, nous disposons de textes attestant le rôle croissant de l’évêque de Rome dans l’Église universelle, aussi bien dans des questions de discipline – liturgie, sacrements, élection des évêques, légitimité, déposition – que dans des questions de doctrine. Dès le début, ces témoignages sont l’expression de la sollicitude de l’évêque de Rome à l’égard de toute l’Église universelle, tant sur le plan spirituel que sur le plan matériel[18].

 

VI/ LE CONCILE VATICAN I ET LA CONSTITUTION PASTOR AETERNUS DÉFINISSANT LA PRIMAUTÉ DU PAPE

La manière dont l’évêque de Rome, dans l’Église de Rome, a pris conscience de ce rôle s’est développée au long des siècles ainsi que la manière dont ce rôle a été perçu par l’ensemble de l’Église. Ces deux questions concernent l’histoire de la papauté en général que je ne vais pas entreprendre ici car ce n’est pas notre sujet[19]. Mais un beau jour de cette histoire encore brève, l’Église éprouve le besoin de préciser les choses et elle le fait en scrutant l’Écriture et sa propre vie, sa Tradition vivante, la manière dont elle a vécu durant les siècles. Elle décide alors de mieux définir ce qu’est le rôle du successeur de Pierre dans la volonté du Christ. Voilà pourquoi elle a éprouvé le besoin de définir la primauté pontificale.

Le Concile Vatican I, que j’ai évoqué en introduction, va ainsi fournir à l’Église un texte : Pastor aeternus (« le Pasteur éternel », c’est-à-dire le Christ), clarifiant les idées sur cette primauté : cette constitution recueille la Tradition de l’Église pour nous la présenter d’une manière claire.

Le prologue de ce texte dit :

« Le Christ a fondé l’Église afin de perpétuer l’œuvre salutaire de la Rédemption et pour qu’en elle, comme en la maison du Dieu vivant, tous les fidèles soient rassemblés par le lien d’une seule foi et d’une seule charité ».

Cette phrase nous présente deux aspects fondamentaux de l’Église. D’abord sa mission qui est d’être instrument du salut – le concile Vatican II approfondira davantage cet aspect – pour ensuite obtenir la communion des fidèles dans la foi et la charité.

Et le texte continue ainsi : « Jésus choisit des apôtres car il veut avoir des docteurs et des pasteurs jusqu’à la fin du monde dans son Église ».

La primauté du pape a pour but l’unité de l’Église

Puis vient l’institution de la primauté :

« Pour que l’épiscopat fut un et non divisé, pour que grâce à l’union étroite et réciproque des pontifes (les évêques), la multitude entière des croyants fut gardée dans l’unité de la foi et de la communion, plaçant le bienheureux Pierre au-dessus des autres Apôtres, il établit en sa personne le principe durable et le fondement visible de cette double unité ».

Ce qui est important dans cette phrase c’est la fréquence de termes liés à l’unité. Les privilèges liés à la primauté n’ont rien d’arbitraire. Ils sont instrumentaux, ils ne sont pas une fin en soi. Ils sont de l’ordre des moyens au service d’une fin supérieure : l’unité – unité dans la foi, unité dans la charité.

Cette phrase est la clef d’interprétation essentielle de la doctrine catholique concernant la primauté du pape. Le chapitre un de cette même constitution est intitulé : « La primauté de Pierre ».

La primauté de juridiction du pape (de Pierre) lui a été confiée directement par le Christ

Cette primauté est dite de juridiction. Le terme étonne à propos de Pierre car dans les textes du Nouveau Testament, quand Jésus confie à Pierre sa mission, il n’y a rien de juridique. Une précision s’impose donc.

Le texte Pastor aeternus est écrit en 1870. Dans la théologie de ce siècle, lorsqu’on parle de l’Église, on le fait le plus souvent en parlant d’elle comme d’une société parfaite. On insiste sur les liens entre les membres de cette société parfaite. Or, en son sein, c’est le jus (le droit) qui règle les rapports entre les personnes. Donc, dans le contexte de cette ecclésiologie et avec son vocabulaire, le rôle de Pierre comme celui du pape sont qualifiés à l’aide de cette expression « primat de juridiction ».

Quant à l’expression : « confiée immédiatement et directement à Pierre », elle indique que cette primauté n’est pas confiée par le Christ aux Apôtres puis par eux à Pierre ou bien par le Christ à l’Église et ensuite par elle à Pierre, mais directement à Pierre (ce genre de précision met fin à des débats très importants – ainsi celui de la théologie gallicane d’après laquelle le pape tiendrait son primat de l’Église).

La perpétuité de la primauté de Pierre dans les pontifes romains

C’est la question du passage de la primauté de Pierre à la primauté de l’évêque de Rome. L’argument est théologique : ce que le Christ a institué pour le salut éternel et le bien de l’Église doit nécessairement durer. Le concile invoque à ce sujet divers témoignages traditionnels : un texte du concile d’Éphèse (431) et divers Pères de l’Église[20].

Le primat de juridiction du pontife romain est plénier et souverain

Ici encore, le texte utilise un vocabulaire qui va demander beaucoup de précision. Les mots ne doivent pas être entendus dans le sens commun du langage d’aujourd’hui.

Le concile affirme que le pape « a un pouvoir plénier et souverain de juridiction sur toute l’Église, non seulement en ce qui touche à la foi et aux mœurs, mais encore en ce qui touche à la discipline et au gouvernement de l’Église répandue dans le monde entier ».

Ce pouvoir est qualifié de : « pouvoir épiscopal, ordinaire et immédiat sur toutes et chacune des Églises comme sur tous et chacun des pasteurs et des fidèles ».

Voilà une affirmation forte qui a été longuement pesée et discutée par le concile et qui a suscité de très vifs débats. Quand le concile parle de ce pouvoir du pape, il semble lui donner une portée illimitée. Or le texte, au contraire, définit l’étendue de ce pouvoir : Il ne s’exerce que sur l’Église car c’est un pouvoir de nature religieuse. Le texte exclut donc que ce pouvoir s’exerce dans le domaine temporel. Le champ d’application de ce pouvoir est la foi et les mœurs, c’est-à-dire ce qu’il faut croire et comment se comporter en chrétien, la discipline – vie liturgique, discipline des sacrements, etc. – et le gouvernement de l’Église, notamment le droit canonique.

Le primat de juridiction du pontife romain est ordinaire, immédiat et épiscopal

Ce pouvoir est qualifié d’ordinaire, d’immédiat et de vraiment épiscopal. Ces adjectifs ont suscité tellement de problèmes dès les discussions conciliaires qu’ils ont du être précisés par la commission théologique qui avait préparé le texte. Les commentaires nous permettent de mieux les comprendre.

Un pouvoir ordinaire (terme juridique) est celui qui revient à quelqu’un en raison de sa fonction ou de sa charge. Tandis que le pouvoir délégué est un pouvoir qui revient à quelqu’un, non pas en raison de sa charge, mais parce qu’il exerce sa charge au nom de quelqu’un d’autre. Le pape exerce donc ce pouvoir ordinaire ou primatial en vertu de sa mission d’être le successeur de Pierre.

Un pouvoir immédiat, cela veut dire qu’il peut l’exercer sans recourir à un intermédiaire (il peut le faire mais il n’y est pas obligé). Je donnerai deux exemples. Si le pape veut ordonner un prêtre dans une Église qui ne soit pas celle de Rome, à Paris ou à Abidjan, il peut se dispenser de la permission de l’évêque du lieu. En revanche, l’évêque d’Abidjan ne pourra ordonner un prêtre à Paris que s’il sollicite et obtient la permission de l’évêque de Paris.

D’autre part, si vous pensez aux voyages du pape à l’extérieur, vous voyez comment il exerce ce pouvoir immédiat d’une manière tout à fait bonne pour le bien de l’Église entière. Ces voyages pastoraux manifestent et renforcent en même temps l’unité de l’Église (cf. note 7).

Un pouvoir vraiment épiscopal. Est-ce à dire que le pape est le seul véritable évêque et que les autres évêques ne sont que des vicaires du pape ? Évidemment non. Cela signifie que le pouvoir du pape est de même nature que le pouvoir des évêques. Il s’agit donc d’un pouvoir pastoral qui consiste à exercer la triple fonction confiée aux Apôtres : diriger, sanctifier et enseigner le peuple de Dieu. Mais le pape possède ce pouvoir à l’état plénier et suprême. Cette plénitude ne peut être limitée par aucune puissance humaine : évêques, concile ou puissance politique. Elle le sera uniquement par le droit naturel et le droit divin. Ce n’est pas un pouvoir arbitraire car il ne faut pas oublier que ce pouvoir et cette autorité du pape sont ministériels, c’est-à-dire en vue de l’unité et pour l’unité dans la foi et la charité.

 

VII/ POUVOIR DES ÉVÊQUES ET PRIMAUTÉ DU SAINT-PÈRE DANS LES CONCILES VATICAN I ET II

Le concile Vatican I

Survient alors immédiatement une question : qu’en-est-il du pouvoir des évêques qui sont les successeurs des Apôtres ? Il faut bien accorder le pouvoir des évêques dans l’Église avec la primauté du pape. Cette question est abordée aussi par le premier concile du Vatican qui nous dit :

« Le pouvoir du souverain pontife ne fait nullement obstacle au pouvoir de juridiction épiscopal, ordinaire et immédiat par lequel les évêques, établis par l’Esprit Saint successeurs des Apôtres, paissent et gouvernent en vrais pasteurs, chacun, le troupeau à lui confié. Au contraire, ce pouvoir des évêques est affirmé, affermi et défendu par le pasteur suprême et universel ».

Le texte évoque alors un argument d’autorité qui se réfère à une lettre du pape saint Grégoire adressée au patriarche d’Alexandrie, lettre dans laquelle il lui reproche de l’avoir salué du titre d’évêque universel[21].

Vous avez noté que le pouvoir des évêques est « épiscopal, ordinaire et immédiat » comme celui du pape, mais à la différence de ce dernier, il n’est ni plénier ni suprême. Le pouvoir du pape ne s’exerce pas seulement sur une portion du peuple de Dieu comme c’est le cas pour l’évêque dans son diocèse, mais à l’égard de l’ensemble du troupeau du Christ. Il revient aussi au pape d’affermir, d’affirmer et de défendre le pouvoir des évêques (ce qui renforce ce rôle ministériel du primat du pape).

C’est ce que fera Pie IX, le pape du premier concile du Vatican, lors d’une affaire mémorable qui a opposé les évêques d’Allemagne à Bismarck[22]. Celui-ci, en lisant le texte du premier concile du Vatican, Pastor aeternus, l’avait interprété d’une manière fausse et tendancieuse. Il considérait que le pouvoir du pape prétendait être absolu, qu’il absorbait celui des évêques et que ceux-ci n’étaient plus que les fonctionnaires du pape. Cette interprétation allait bien dans le sens de sa politique anti catholique. Dans une déclaration de 1875, les évêques allemands ont repris le texte du concile en lui donnant la juste interprétation. Pie IX les approuvera très vigoureusement et fermement dans plusieurs interventions subséquentes.

Le concile Vatican II et Lumen gentium

Cet épisode des relations de l’Église avec les autorités politiques montre l’importance pour nous de situer la doctrine de la primauté dans l’ensemble le la doctrine de l’Église, de l’accorder avec ce qui concerne les évêques et l’ensemble du peuple de Dieu.

Je vous disais que le premier concile du Vatican n’avait pas eu le temps d’achever ses travaux sur l’Église. Ce sera donc le rôle du deuxième concile du Vatican de préciser ce délicat équilibre, dans l’Église, entre primauté et collégialité. Aussi est-il bon maintenant de franchir ce siècle qui sépare les deux conciles du Vatican pour retracer la démarche de Lumen gentium.

Dans le chapitre un, il est question du mystère de l’Église et dans le deuxième, du peuple de Dieu. Le chapitre trois est intitulé : « La constitution hiérarchique de l’Église et spécialement de l’épiscopat ».

Ce chapitre traite de la question de l’institution des Douze en se référant au témoignage du Nouveau Testament. Puis il nous est dit que le Christ voulait que la mission confiée au Douze soit remplie jusqu’à la fin des siècles, c’est-à-dire qu’il a voulu qu’il y ait des successeurs aux Apôtres. Ils se choisissent donc des coopérateurs et des successeurs qui sont les évêques. Pour remplir cette mission, les Apôtres avaient reçu une aide spéciale de l’Esprit Saint. Ce don spirituel est transmis par les Apôtres à leurs successeurs. D’où l’affirmation par le concile Vatican II de la sacralité de l’épiscopat. Le numéro 22 traite de l’articulation entre collégialité et primauté. Nous en avons déjà cité la première phrase :

« De même que saint Pierre et les autres Apôtres constituent, de par l’institution du Seigneur, un seul collège apostolique, semblablement le pontife romain, successeur de Pierre, et les évêques, successeurs des Apôtres, forment entre eux un tout ».

La suite de ce texte résume la doctrine de Vatican I concernant le primat du pape et indique que ce qui est dit du collège et de son autorité ne porte pas atteinte au primat du pape puisque, précisément, il fait partie du collège des évêques. Et c’est là le point qui permet de faire l’équilibre entre collège et pape, entre collégialité et primauté. Le pape fait partie du collège et en même temps il en est le chef.

Sans sa tête : le pape, le collège des évêques n’a aucune autorité et pourtant, le collège ne tient pas son autorité du pape, il la tient du Christ par la succession apostolique. C’est là que se trouve toute la subtilité de cette doctrine.

 

2nde partie : L’INFAILLIBILITÉ DU SAINT-PÈRE

Nous allons maintenant aborder l’infaillibilité après avoir explicité deux préalables : la fonction d’enseignement dans l’Église en général (le rôle du magistère) et l’indéfectibilité de l’Église.

 

I/ UNE MISSION ESSENTIELLE DE L’ÉGLISE : ENSEIGNER ET TRANSMETTRE LE DÉPÔT DE LA FOI EN TOUTE VÉRITÉ

Une mission dévolue en premier au pape et aux évêques

Quelle est la mission confiée par le Christ aux Apôtres ? Traditionnellement on la résume en trois verbes qui sont inspirés de la finale de saint Matthieu (Mt 28, 19-20) : gouverner, sanctifier et enseigner. Nous parlerons d’avantage de la fonction d’enseignement dans l’Église, en particulier celle dévolue au pape, pour essayer de voir comment le primat qui est le sien marque cette mission d’enseignement.

Notre Enseignant, notre Maître qui est-il ? C’est le Christ. « Il les enseignait en homme qui a autorité et non pas comme les scribes » dit l’Écriture[23]. C’était un enseignement nouveau donné d’autorité. Et pourtant Jésus ne dit et n’enseigne que ce que le Père lui enseigne :

« Ma doctrine n’est pas de moi mais de celui qui m’a envoyé » (Jn 7, 16). « Ce que le Père m’a enseigné, je vous le dis » (Jn 8, 28).

Dieu se révèle en Jésus qui est le Verbe du Père et la Vérité. Il est le seul capable d’enseigner les hommes, lui qui connaît Dieu, qui est tourné vers le Père de toute éternité et qui est venu pour le faire connaître. Il est le seul maître mais il veut que d’autres participent à cette fonction d’enseignement, en particulier les Apôtres. Il leur confie des missions dès sa vie publique mais surtout après la Résurrection. Il leur donne un ordre précis :

« Allez donc enseigner toutes les nations, les baptisant au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit et leur apprenant à observer tout ce que Je vous ai prescrit. Et moi je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 19-20).

-…réalisable seulement avec l’assistance de l’Esprit Saint

Pour accomplir cette mission, le Christ leur a promis « (…) l’Esprit, le Paraclet, que le Père enverra en mon Nom. Il vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que je vous ai dit » (Jn 14, 26). « Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, dit encore Jésus, il vous conduira vers la vérité tout entière » (Jn 16, 13).

Mais il confie aussi une mission plus particulière à Pierre : affermir ses frères dans la foi (cf. Luc 22). Les Apôtres eux-mêmes transmettent aux hommes un enseignement qui ne vient pas d’eux mais de Dieu. Les Actes des Apôtres nous disent qu’ils enseignent au nom de Jésus[24] et surtout que toujours l’Esprit Saint les accompagne. Le Nouveau Testament nous apprend également que les Apôtres sont aidés d’autres enseignants[25]. Ainsi, peu à peu, se constitue dans l’Église un corps de doctrine qui est la règle de la foi[26], c’est-à-dire ce à quoi l’on se réfère :

« Ô Timothée, garde le dépôt » (1 Tm 6, 20), dit saint Paul. « Prends pour norme les saines paroles que tu as entendues de moi dans la foi et l’amour du Christ Jésus » (2 Tm 1, 14) dit-il encore.

Conserver et transmettre le dépôt de la foi est un aspect essentiel de la tâche des pasteurs. Saint Irénée nous dit « que les Apôtres laissèrent, comme successeurs, des évêques auxquels ils remirent leur propre fonction d’enseignement ».

Une mission aussi pour toute l’Église et chaque baptisé

Nous avons parlé de la mission d’enseigner confiée par le Christ aux Apôtres et à leurs successeurs. C’est un mandat spécial qui est lié au pastorat, au fait d’être pasteur. Nous savons toutefois que, plus largement, l’Église tout entière reçoit de Jésus-Christ la mission d’enseigner : annoncer le Christ, maintenir l’unité de la foi et l’intégrité des mœurs. C’est aussi une mission de chaque baptisé, sa mission prophétique. Cela se traduit dans toute la prédication et la catéchèse de l’Église, dans les innombrables formes d’enseignement et de transmission de la foi, à commencer par celle qui a lieu dans la famille. Il s’agit, à travers tout cela, de proposer aux hommes le mystère du Christ.

Le pouvoir d’enseigner et de donner une juste interprétation de la Parole de Dieu : le magistère apostolique

Mais en vertu de la structure hiérarchique de l’Église et du fait que celle-ci est « apostolique », comme on dit dans le Credo, le pouvoir d’enseigner authentiquement, c’est-à-dire avec l’autorité du Christ lui-même, appartient au corps de ses pasteurs. Dans cette mission ils sont au service de tout le peuple. Il s’agit donc bien d’un pouvoir d’enseignement lié au ministère apostolique.

Ce pouvoir d’enseigner avec autorité dans l’Église est ce qu’on appelle : le magistère. Le numéro 10 de la constitution de Vatican II sur la Révélation, Dei Verbum le définit ainsi :

« La charge d’interpréter la façon authentique la Parole de Dieu, écrite ou transmise, a été confiée au seul magistère vivant de l’Église dont l’autorité s’exerce au nom de Jésus-Christ ».

Le magistère est donc au service de la Parole de Dieu pour en donner la juste interprétation et la proposer à tous les fidèles. Le magistère ne peut remplir sa mission que parce qu’il est investi de l’autorité qui est celle de Jésus-Christ, seul maître.

 

II/ L’INDÉFECTIBILITÉ DE L’ÉGLISE

Mais je vous parlais d’un deuxième préalable pour comprendre la doctrine de l’infaillibilité, il s’agit de l’indéfectibilité de l’Église. Ce mot désigne le caractère de ce qui ne peut pas faire défaut.

Une promesse de permanence jusqu’à la fin des temps faite par Jésus-Christ

En effet, le Christ a dit à son Église : « Je suis avec vous jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 20) et « Les portes de l’Enfer ne l’emporteront pas sur elle » (Mt 16, 18). Cette Église « est colonne et support de la Vérité » (1 Tm 3, 15) rajoute saint Paul.

L’indéfectibilité de l’Église désigne donc la permanence de celle-ci, non seulement jusqu’à la fin des temps, mais aussi dans l’institution des origines. Ainsi est-elle assurée de durer telle qu’elle a été voulue par le Christ en sa constitution essentielle. Notamment, l’Église est assurée par le Christ d’être « une, sainte, catholique et apostolique ». Elle est assurée d’être l’institution définitive du salut, il n’y a pas après elle autre chose qui viendrait la remplacer.

L’Église ne peut se tromper sur la foi et le salut : l’infaillibilité

Or l’Église cesserait d’être moyen nécessaire de salut si elle pouvait se tromper en ce qui concerne la foi et le salut. Si elle errait en matière de vérité sur la foi et les mœurs, comment pourrait-elle prétendre être indéfectible et le moyen nécessaire de salut ? Or le Christ le lui a assuré. Donc le fidèle doit croire à cette promesse. À l’intérieur de l’indéfectibilité, cette garantie dans l’enseignement c’est ce qu’on appelle : l’infaillibilité de l’Église. Cette infaillibilité est donc liée au caractère eschatologique et définitif de l’Église dans la volonté même du Christ.

Mais où trouve-t-on dans l’Église la réalisation concrète et historique de cette infaillibilité ? Qui, quand, comment et dans quelles circonstances cette infaillibilité se concrétise-t-elle ? La réponse est facile : chez ceux qui ont reçu du Christ mission et pouvoir d’enseigner avec autorité, c’est-à-dire le magistère.

 

III/ QUELS SUJETS BÉNÉFICIENT DE L’INFAILLIBILITÉ ? QUELLE DOIT ÊTRE L’ATTITUDE DES FIDÈLES ?

Mais il faut encore préciser. Quels sont les sujets du magistère de l’Église ? Nous en distinguerons trois. Je traiterai plus longuement de l’infaillibilité du pape.

Le collège des évêques : un magistère ordinaire et universel

Le collège des évêques, c’est-à-dire l’ensemble des pasteurs de l’Église, y compris le pape qui est leur chef, est sujet de ce qu’on appelle le magistère ordinaire et universel. Ce magistère est l’enseignement unanime des pasteurs de l’Église et c’est la manière habituelle et normale de proposer la foi catholique.

Quand une doctrine concernant la foi ou les mœurs est enseignée par l’ensemble des pasteurs de l’Église, c’est une doctrine de l’Église. On peut être assuré que c’est une doctrine vraie. Tout chrétien peut en toute confiance y adhérer et même doit y adhérer par la foi car c’est la doctrine du Christ qui, ici, est enseignée. Et cette certitude du croyant est une certitude de foi. Le magistère universel et ordinaire du collège jouit toujours dans ces cas de l’infaillibilité.

Mais, comme le souligne le Catéchisme de l’Église Catholique, qui cite le n° 22 de Lumen gentium : « Le collège ou corps épiscopal n’a d’autorité que si on l’entend comme uni au pontife romain, comme à son chef. Comme tel, ce collège est lui aussi le sujet d’un pouvoir suprême et plénier sur toute l’Église, pouvoir cependant qui ne peut s’exercer qu’avec le consentement du pontife romain » (n° 883).

L’évêque

Les évêques sont chacun docteurs authentiques de la foi. Ils ont reçu la charge d’enseigner avec l’autorité du Christ. Pourtant, pris séparément, ils ne jouissent pas de cette même infaillibilité. Pourquoi cette différence entre le collège et les évêques pris séparément ? La raison est que les promesses et la mission du Christ concernaient le collège des Apôtres, ou bien saint Pierre individuellement. Les promesses du Christ concernent donc aussi leurs successeurs : le collège des évêques qui succède au collège des Apôtres et le pape qui succède à Pierre. Le collège est donc plus que la somme des évêques.

Le paragraphe 1 du numéro 25 de la constitution Lumen gentium dit en effet que : « Les évêques qui enseignent en communion avec le pontife romain ont droit, de la part de tous, au respect qui convient à des témoins de la vérité divine et catholique ; les fidèles doivent s’attacher à la pensée que leur évêque exprime, au nom du Christ, en matière de foi et de mœurs, et ils doivent lui donner l’assentiment religieux de leur esprit »[27].

Un concile œcuménique jouit-il de l’infaillibilité[28] ?

Qu’en-est-il alors du concile œcuménique ? Un concile est un autre mode d’expression du magistère du collège. Il lui donne une visibilité particulière, car vous avouerez que lorsque les évêques sont dispersés dans le monde entier, il n’est pas toujours facile d’apprécier le fait qu’une doctrine est enseignée unanimement. C’est donc plus commode pour nous quand ils se rassemblent tous au même endroit et qu’ils affirment quelque chose ensemble. Pourtant c’est là un mode d’expression qui est particulier et qu’on appelle une manière extraordinaire d’exercer ce magistère. Dans le cas d’un concile œcuménique, le collège peut à cette occasion proposer une doctrine comme certaine ou la définir. C’est ce qu’on appelle une définition dogmatique. S’il le fait, il jouit alors de l’assistance spéciale de l’Esprit Saint – promis par le Christ aux Apôtres – qui garantit la vérité de cet enseignement. Le magistère universel (du collège) extraordinaire (réuni en concile) jouit donc de l’infaillibilité s’il  a décidé d’enseigner une doctrine comme certaine.

C’est ce que résume le numéro 25, paragraphe 2 de la constitution Lumen gentium du concile Vatican II :

« Quoique les évêques, pris un à un, ne jouissent pas de la prérogative de l’infaillibilité, cependant, lorsque même dispersés à travers le monde, mais gardant entre eux et avec le successeur de Pierre le lien de la communion, ils s’accordent pour enseigner authentiquement qu’une doctrine concernant la foi et les mœurs s’impose de manière absolue, alors c’est la doctrine du Christ qu’infailliblement ils expriment. La chose est encore plus manifeste quand, dans le concile œcuménique qui les rassemble, ils font, pour l’ensemble de l’Église en matière de foi et de mœurs, acte de docteurs et de juges aux définitions desquels les fidèles doivent adhérer dans l’obéissance de la foi ».

Ajoutons que : « il n’y a pas de concile œcuménique s’il n’est comme tel confirmé ou tout au moins accepté par le successeur de Pierre » (n° 884, Catéchisme de l’Église Catholique).

 

IV/ L’INFAILLIBILITÉ DU PAPE

Le paragraphe trois du numéro 25 de Lumen gentium parle de l’infaillibilité dont jouit le pape, troisième sujet du magistère.

Quand nous parlons du pape et de l’infaillibilité, il faut d’abord se resituer dans le contexte de la doctrine du primat : cette mission confiée à Pierre d’enseigner et de confirmer ses frères dans la foi. Il faut ensuite se rappeler que ce primat est en vue du maintien de l’unité de l’Église. C’est là le point central de la théologie du primat et nous allons le retrouver maintenant. Il faut aussi évoquer l’action de l’Esprit Saint qui réalise l’unité de l’Église et en particulier en tant qu’il est Esprit de vérité.

Définition de l’infaillibilité pontificale

Reprenons alors la constitution Pastor aeternus du concile Vatican I qui définit dogmatiquement l’infaillibilité du magistère du pape :

« Le pontife romain, lorsqu’il parle ex cathedra, c’est-à-dire lorsque remplissant sa charge de pasteur et de docteur de tous les chrétiens, il définit, en vertu de sa suprême autorité apostolique, qu’une doctrine sur la foi ou les mœurs doit être tenue par toute l’Église, jouit, par l’assistance divine à lui promise en la personne de saint Pierre, de cette infaillibilité dont le divin Rédempteur a voulu que fût pourvue son Église, lorsqu’elle définit la doctrine sur la foi et les mœurs. Par conséquent, ces définitions du pontife romain sont irréformables par elles-mêmes et non en vertu du consentement de l’Église ».

Les caractères de l’infaillibilité

Elle ne peut être séparée de celle de l’Église

Ainsi le pape jouit de la même infaillibilité dont le Christ a voulu que son Église fut pourvue. Voilà pourquoi j’ai commencé par vous parler de l’infaillibilité de l’Église. Cette infaillibilité du magistère papal ne peut être séparée de celle de l’Église tout simplement parce que c’est la même.

Elle est attachée à la personne du pape

Pourtant celle du pape est en même temps personnelle, en ce sens qu’elle est attachée à sa personne, en tant qu’il est pasteur suprême de toute l’Église et ce, en vertu de la promesse faite par le Christ à Pierre.

Elle ne dépend d’aucune approbation

Pourtant aussi, cette infaillibilité ne dépend pas de l’autorité d’un concile ni d’une approbation ultérieure. C’est ce qui est désigné par les termes : « irréformable par elle-même ». C’est donc un privilège personnel attaché à la personne du successeur de Pierre dans l’exercice de sa fonction primatiale (je dis bien à la personne du successeur de Pierre et non pas au siège apostolique).

Elle n’existe que dans certaines circonstances

Mais, subtilité importante, je n’ai pas dit : le pape est infaillible (et le texte non plus). Tous les commentaires l’ont d’ailleurs souligné.

En effet, au début des discussions conciliaires, cette partie de Pastor aeternus avait été intitulée : « De Romani Pontificis infallibilitate » (« L’infaillibilité du pontife romain »). Le titre a été changé en « De Romani Pontifieis infallibili magisterio » (« Le magistère infaillible du pontife romain »). La différence peut paraître minime et pourtant cela correspond à une précision importante de la doctrine. Le pape jouit de l’infaillibilité de l’Église en certaines circonstances. Et si la phrase est si longue c’est parce qu’elle les détaille.

Elle est communiquée par l’Esprit Saint

Quand on dit de quelqu’un qu’il est infaillible, vous rétorquez qu’il n’y a que Dieu qui est infaillible. L’infaillibilité dont jouit le pape lui est communiquée par l’Esprit Saint. Elle implique toujours un secours surnaturel, une assistance spéciale de l’Esprit Saint au moment où elle est exercée. Ce n’est pas une qualité du pape qui lui reviendrait en vertu de son autorité. Ensuite nous pouvons dire qu’il y a des conditions à remplir pour qu’on puisse dire que le pape jouisse de cette infaillibilité.

Pourquoi cette phrase est-elle si complexe, si alambiquée avec tant d’incises ? Parce qu’elle a été longuement débattue, et que cette doctrine n’allait pas de soi. Donc quand on définit quelque chose, il faut tenir compte de la manière dont la chose en question a été vécue. Et en particulier, l’examen attentif de divers faits d- e l’histoire de l’Église a conduit à préciser les conditions dans lesquelles le magistère du pape pouvait être dit infaillible parce qu’il était évident que dans certains cas le pape s’était trompé.[29]

Les conditions de cette infaillibilité[30]

Première condition : le pape doit prendre position comme pasteur de l’Église universelle et non pas comme docteur privé ou en qualité d’évêque de Rome, (ainsi dans le cadre d’un synode diocésain) ou comme primat d’Italie ou comme patriarche de l’Occident.

Deuxième condition : la définition doit être relative à la foi et aux mœurs, c’est-à-dire ce qu’il faut croire et ce qu’il faut faire (l’agir chrétien).

Troisième condition : l’enseignement doit être adressé explicitement à toute l’Église.

Quatrième condition : il faut que soit reconnaissable la volonté de donner une définition définitive et irrévocable (à travers la formulation de cette définition ou dans les circonstances). Notons que cela n’impose pas une forme littéraire au document ni même la nature précise de celui-ci : constitution apostolique, encyclique, exhortation…

Cette doctrine de Pastor aeternus est reprise dans le numéro 25, paragraphe 3 de la constitution Lumen gentium de Vatican II ; elle est éclairée et équilibrée par le reste de ce numéro 25 et par l’ensemble de Lumen gentium. Il ne faut jamais perdre de vue que la doctrine de l’infaillibilité n’est qu’un aspect de la doctrine sur la mission d’enseignement de l’Église et que la doctrine de l’infaillibilité pontificale n’est qu’un aspect de la doctrine du primat pontifical.

Le Catéchisme de l’Église Catholique affirme que :

« L’assistance divine est encore donnée aux successeurs des Apôtres, enseignant en communion avec le successeur de Pierre, et, d’une manière particulière à l’évêque de Rome, pasteur de toute l’Église, lorsque, sans arriver à une définition infaillible et sans se prononcer d’une manière définitive, ils proposent dans l’exercice du magistère ordinaire un enseignement qui conduit à une meilleure intelligence de la Révélation en matière de foi et de mœurs. À cet enseignement ordinaire les fidèles doivent donner l’assentiment religieux de leur esprit qui, s’il se distingue de l’assentiment de foi, le prolonge cependant » (n° 892)[31].

 

CONCLUSION

Quand nous confessons notre foi par le symbole des Apôtres, nous disons de l’Église qu’elle est « une, sainte, catholique et apostolique ». Elle est catholique, c’est-a-dire universelle, et en même temps une. Quel est-il alors de ce « mystère sacré de l’unité de l’Église » comme l’appelle le dernier concile en son décret sur l’œcuménisme ? Le Catéchisme de l’Église Catholique (n° 813-816) nous en détaille et le fondement et les éléments.

L’Église est une de par sa source, à savoir la Trinité. L’Église est une de par son fondateur : le Christ, Tous nous sommes réconciliés par le Christ en un seul corps. L’Église est une de par l’Esprit Saint qui l’anime et qui est le principe invisible de notre unité. II est donc de l’essence même de l’Église d’être une, pourtant elle accueille une immense diversité de par sa catholicité.

Qu’en-est-il des liens de cette unité ? Ces liens sont en premier lieu la charité, cet amour Divin, le lien de la perfection comme l’appelle saint Paul. Ce sont ensuite des liens visibles : la profession d’une même foi, la célébration d’un même culte et des mêmes sacrements, surtout de l’Eucharistie, sacrement de l’unité. C’est la succession apostolique, par le sacrement de l’ordre.

Mais l’Église, à la fois visible et spirituelle, à la fois humaine et divine, a besoin d’incarner humainement et visiblement son unité divine. La nature même de l’Église, humaine et divine, exige que son unité possède un centre visible : le pape. Et n’avons-nous pas souligné que le primat de l’évêque de Rome était essentiellement ministériel, qu’il était un service : « Celui qui veut être le premier, dit le Christ, qu’il soit le serviteur de tous »[32].

À cette condition seulement d’être ministériel, un primat est légitime dans l’Église. Remercions donc le Christ d’avoir institué dans son Église le pape, un serviteur des serviteurs de Dieu, qui est au service de toute l’Église, de chacun des fidèles comme de ses pasteurs, au service de la foi qu’il est chargé d’affermir chez ses frères, au service de la charité qui est le lien de la perfection, au service de l’unité dont il est pour tous le centre visible. [33] Remercions le Christ de nous avoir donné spécialement pour ce temps Jean-Paul II.

 

RÉPONSES AUX QUESTIONS

1) Pourquoi le pape est-il considéré avec plus de dignité que n’importe quel autre chrétien qui, comme lui, a reçu l’Esprit Saint au baptême et a la confirmation ?

II est évident que nous avons tous reçu l’Esprit Saint à notre baptême mais cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas nous tromper car nous faisons de l’Esprit Saint plus ou moins bon usage. D’autre part, nous n’avons pas reçu l’assurance de ne jamais nous tromper contrairement à ce qu’avançaient les défenseurs de la théorie du libre examen, qui sera rejetée, qui affirmaient que du fait de cet Esprit Saint, nous pouvions, en scrutant notre conscience, ne pas nous tromper concernant le salut.

Cette position est une erreur parce que l’homme est faillible et que le Christ, dans sa grande bonté, lui qui connait si bien la facilité que nous avons de sombrer dans la faute et l’erreur, a voulu, pour protéger son Église de ce danger, qu’il existe en elle un pouvoir d’enseignement authentique pour nous prémunir des erreurs. Mais ce n’est pas parce que le magistère, en certaines circonstances de son exercice, est dit jouir de l’assistance spéciale de l’Esprit Saint, que celui-ci n’agit qu’a ce moment là, car il agit dans l’Église de multiples manières, y compris celle-là.

2) La décision du Pape concernant la non admission des femmes au sacerdoce est-elle infaillible ? [34]

Ce n’est jamais une décision qui est infaillible en elle-même. La question posée précisément : quand le Pape a écrit cette lettre, jouissait-il de cette assistance spéciale de l’Esprit Saint qui lui garantit que son magistère est alors infaillible ? Le Pape ne l’a pas voulu pour la bonne raison que, si vous relisez bien cette lettre, il n’a fait que redire une position traditionnelle. Ainsi a-t-il rappelé qu’il s’agissait là d’une doctrine qui était enracinée dans l’Écriture et qui avait toujours été tenue par l’ensemble de l’Église. C’est donc, comme je l’ai expliqué, une doctrine du magistère ordinaire et universel (voir 2nde partie, III, le collège des évêques). Il n’a donc pas besoin de la déclarer irréformable. Elle l’est du fait même de cette universalité de l’enseignement qui l’a proposée.

3) Pourquoi Vatican I a-t-il eu lieu au 19e siècle ? Une telle définition aurait-elle été difficile à admettre au 20e siècle ?

Mais figurez-vous que si la chose a été débattue au 19e siècle, c’est bien parce que déjà elle posait problème à cette époque où le rationalisme des lumières avait fait des ravages. Une définition dogmatique, presque toujours, répond à une contestation. Si donc l’Église s’est payé le luxe d’un concile œcuménique et d’une définition dogmatique, c’est qu’il y en avait besoin. Autrement, il aurait suffi de continuer à vivre cette vérité qui était portée par la Tradition de l’Église. C’est donc pour le bien des fidèles et l’unité de l’Église que cette vérité a été définie. Notez bien, enfin, que cette doctrine a été rappelée par le concile Vatican II et que Pie XII, en 1950, a défini « dans les règles » le dogme de l’Assomption en remplissant toutes les conditions que précisait la constitution Pastor aeternus.

4) Une série de questions porte sur les erreurs et les contestations dont fait l’objet l’ensemble de l’institution papale ou l’Église en général.

Aucun de ces faits historiques ne contredit la définition du dogme de l’infaillibilité pontificale. Au contraire, ils ont tous été intégrés dans la manière dont ce dogme a été prononcé et explicité. Chacune des incises de cette longue phrase de la définition de Pastor aeternus reprenait une foule de débats historiques qui avaient été repris et examinés soigneusement pendant les travaux conciliaires. Vous pouvez donc être assurés que tout a été scruté dans l’histoire de l’Église : défaillances des papes, histoires les plus sordides dans la vie privée de certains d’entre eux, erreurs qu’ils auraient pu commettre, y compris des doctrines erronées. Mais tout cela a été intégré et la conclusion est qu’aucun de ces papes ne remplissait les conditions qui ont été ainsi définies. Par ailleurs, il peut y avoir un pape indigne – malheureusement il y en a eu[35] – mais, c’est un fait remarquable que les papes en question, quelque contestable que fut leur mode de vie, étaient conscients d’être papes et ont évité de dire des « bêtises » dogmatiques. Il faut en remercier l’Esprit Saint car l’enseignement de l’Église sur la foi a ainsi été préservé.

5) Pourquoi en France l’institution de la papauté est-elle si fortement contestée ?

On veut parler ici du gallicanisme.[36] Ne nous imaginons pas que ce soit une spécialité française. Le gallicanisme a des racines historiques anciennes qui proviennent de la manière d’articuler pouvoir politique et pouvoir spirituel. C’est toujours de là que viennent la contestation de l’institution papale. La tentation du politique est récurrente dans l’histoire des hommes de s’annexer le spirituel. Les souverains y tombent assez fréquemment. Cette question des liens entre les princes et les papes a donc pesé très fort sur toute l’histoire de l’Église et sur la manière aussi dont le pape a été amené lui-même affirmer sa primauté. C’est de là que viennent des manières excessives de l’exprimer dans des domaines qui ne sont pas strictement les siens. Mais si nous parlons du gallicanisme, n’oublions pas qu’il y a eu aussi un anglicanisme qui, lui, est allé jusqu’au schisme avec le roi Henri VIII.[37] Heureusement ça n’a pas été le cas chez nous avec le gallicanisme. Il y a eu encore le joséphisme[38] puis la manière dont le lien entre Église et État a pesé sur l’histoire de la Réforme aux 16e et 17e siècles. Voyons donc dans le gallicanisme un phénomene complexe, mêlant des facteurs historiques, politiques et culturels.

6) Quelle est la place du primat du pontife romain par rapport aux Protestants, aux Orthodoxes et aux Anglicans et notamment par rapport à l’interprétation de l’Écriture Sainte où il est question de la primauté de Pierre ?

Je n’ai pas développé cette question mais vous vous doutez bien que c’est un point important dans les discussions des commissions mixtes de travail entre Catholiques, Orthodoxes, Anglicans et Protestants pour ne citer qu’eux.

Commençons par les Protestants. Il faut envisager ici la place du primat dans le contexte plus large de la place du sacrement de l’ordre, c’est-à-dire de l’interprétation du ministère dans l’Église, et de la place dans l’Église d’un ministère ordonne. Tant que cette question-là n’a pas été clarifiée, celle de la place du pape ne peut pas l’être non plus. Quant à l’interprétation de l’Écriture, le texte de Matthieu (Mt 16, 18-19) est interprété ainsi par les Protestants : le Christ fonde son Église sur la foi de Pierre davantage que sur sa personne, donc pas nécessairement en lui attribuant un primat ou une autorité sur les autres. La contestation de ce primat peut se faire aussi, chez les Protestants, dans le mode de transmission. C’est-à-dire qu’on peut très bien affirmer premièrement qu’il y a un primat de Pierre sur l’ensemble des Apôtres et affirmer deuxièmement qu’il y a succession du collège des Apôtres au collège des évêques. Mais, même si vous admettez cela, vous pouvez contester le troisièmement, à savoir que le primat à l’intérieur du collège des Apôtres se soit transmis à l’intérieur d’un collège des évêques. Vous voyez qu’il y a trois étapes. Toutes les démonstrations que j’ai citées (celles de Vatican I et de Vatican II) s’attachent à chaque fois à distinguer ces étapes du raisonnement. Vous comprenez donc que la contestation protestante peut porter sur chacune de ces étapes et conduire dans chaque cas à des interprétations différentes des textes du Nouveau Testament.

Il est évident que je ne peux développer davantage ici cette question car il faudrait à chaque fois déterminer le type de protestantisme et la manière dont il se situe par rapport à cette question.

7) Les Orthodoxes et le pape[39]

La position vis à vis des Orthodoxes est plus simple à caractériser car ils reconnaissent au pape un primat. Ils ne nient pas que l’évêque de Rome soit successeur des Apôtres Pierre et Paul et qu’à ce titre il faille donc lui décerner un primat d’honneur. Mais la question est de savoir si ce primat comporte un pouvoir sur les autres Églises et c’est la que la bât blesse.

On peut à la rigueur, quand on est Orthodoxe, reconnaître dans le successeur de Pierre ce rôle d’affermir dans la foi, mais la manière dont concrètement cette mission est exercée se heurte à toutes sortes de sensibilités qui sont historiques, qui tiennent à bien des querelles qui se sont envenimées, qui tiennent enfin à un éloignement culturel progressif et à une incompréhension qu’il faut maintenant patiemment réduire. C’est là un des champs de la recherche théologique concernant la primauté pontificale. Si vous vous sentez une âme de chercheur et que vous voulez consacrer votre vie à la théologie, je ne peux que vous encourager à étudier cette question. Il convient d’établir une distinction dans le rôle du pape entre ce qui est son primat universel sur l’ensemble de l’Église et ce qui relève de son rôle de patriarche latin – au même titre que vous avez chez les Orthodoxes le patriarche de Constantinople (pour ne citer que lui). Il y a beaucoup à faire dans ce domaine pour distinguer ce qui relève de l’un et ce qui relève de l’autre rôle.

Je vous cite à ce propos un exemple : le récent Code de Droit Canonique promulgué par Jean-Paul II en 1983. Ce code n’est pas un acte magistériel s’adressant à l’ensemble de l’Église catholique mais il s’adresse uniquement à l’Église latine. Il règle la vie des fidèles et des pasteurs de l’Église latine. Il ne règle pas la vie et les rapports des fidèles et des pasteurs des Églises catholiques d’Orient pour lesquelles un code oriental a été élaboré. Lorsque le Pape promulgue le code latin, il le fait en tant que patriarche de l’Occident et patriarche latin. Il serait donc intéressant de discerner dans son rôle ce qui n’est pas strictement à imposer à des Orthodoxes. Les Églises orientales catholiques rattachées à Rome sont un bon terrain d’expérimentation de ce genre de choses car elles ont leur tradition propre, leur histoire liturgique et spirituelle propre et sont donc sensibles à ce qui ne peut pas leur être imposé parce que spécifiquement latin.

8) Qu’en-est-il de la position des Anglicans vis à vis de l’Église catholique ?

Les Anglicans se sont séparés de l’Église de Rome et ne reconnaissent donc plus l’autorité du pape depuis le schisme provoqué en 1534 par Henri VIII (1491-1547), roi d’Angleterre, qui se proclama chef suprême de l’Église d’Angleterre parce que le pape Clément VII (1523-1534) lui refusa en 1533 l’annulation de son mariage avec sa première femme (il eut par la suite cinq autres femmes !). Mais mis à part cette attitude, Henri VIII conservait la doctrine et le culte de l’Église catholique (célébration des sacrements, etc.). Cependant, après sa mort, nombre de membres influents : nobles, clergé et membres du parlement, s’ouvrirent aux idées de Luther puis de Calvin.

Deux tendances existent à l’heure actuelle : la High Church et la Low Church, la première étant plus proche des Catholiques romains et la seconde des Protestants. Récemment, le 11 novembre 1992, l’Église anglicane a autorisé les femmes à accéder à l’ordination sacerdotale. Cette décision, confirmée par la reine Elisabeth II, a conduit bon nombre d’évêques, de prêtres et de fidèles anglicans à demander à être rattachés à l’Église catholique romaine[40].

9) Qu’en est-il du primat de Pierre par rapport à l’Ancien Testament ?

Nous n’avons guère d’antécédents car nous n’avons pas dans l’Ancien Testament d’institution semblable au collège des Apôtres et qui l’annoncerait. « L’antécédent » du collège des Douze c’est précisément qu’ils sont douze et qu’ils représentent le nouveau peuple de Dieu, qu’ils sont là pour rassembler l’Israël de Dieu, non pas pour fonder à nouveau un peuple à part mais pour rassembler Israël par la nouvelle alliance dans le sang du Christ. C’est pour cela que le Christ a choisi symboliquement douze Apôtres pour signifier ce rassemblement du peuple. Aucun des personnages de l’Ancien Testament, Abraham, Moïse ou un autre, ne peut être rapproché du personnage de Pierre[41].

10) Pourquoi le pape est-il habillé de blanc ?

L’habit du pape s’est effectivement modifié au cours des siècles. S’il est aujourd’hui habillé de blanc, c’est parce que l’un d’entre eux, saint Pie V (1566-1572) était un dominicain. Et vous savez que ceux-ci sont habillés de blanc. Lorsqu’il a été élu pape, il a donc décidé de garder son habit blanc et depuis, la tradition est restée.

 

BIBLIOGRAPHIE

Catéchisme de l’Église Catholique ; éd. Maine-Plon, 1992. v. articles répertoriés aux mots « pape », « collège », « évêque », « magistère », « concile ».

Catéchisme pour adultes, pp. 48-51 : magistère et infaillibilité, 188-189 : primauté.

– Catherine de Sienne, Le Dialogue, éd. Téqui, 1976, voir les chapitres concernant le pape in second volume, pp. 19-21, 253, ainsi que l’introduction reprenant le discours du pape Paul VI du 4 octobre 1970, proclamant Catherine docteur de l’Église.

Code de Droit Canonique, promulgué le 25.11.1983, canons : 273 (obéissance des clercs au pape et à l’ordinaire), 330-341 (le pontife romain et le collège des évêques), 752- 753 (l’assentiment des fidèles aux enseignements du pape, du collège et de l’évêque).

– Collection Dieu est Amour, éd. Téqui : « Jean-Paul II, les papes et la France », n° 22, 1980 / « Les trois blancheurs : l’Eucharistie, Marie, le Pape », n° 58, 1983 / « Le Sacré-Cœur, Jean-Paul II et la France », n° 89, 1986 / « L’ordre chrétien de la société selon Jean-Paul II », n° 142-143, 1992.

Dictionnaire des Papes, éd. Brepols, 1994. Ce livre reprend la vie de tous les papes et leur œuvre.

– André Frossard, Défense du Pape, éd. Fayard, 1993.

– Jean-Paul II, audience générale du mercredi, in Discours du Pape, éd. Téqui, la catéchèse du Pape sur la primauté, le collège épiscopal (novembre 1992 à mars 1993 n° 1092 à 1106 de la chronique).

– Jean-Paul II, lettre encyclique sur l’engagement œcuménique, Ut unum sint (Qu’ils soient un), éd. Téqui, 25 mai 1995, nn. 88 à 96 sur la primauté du pontife romain en vue de l’unité.

– Cardinal Joseph Ratzinger, Appelés à la communion. Comprendre l’Église aujourd’hui, éd. Fayard, Paris, 1991.

– Klaus Schatz, La primauté du Pape, Son histoire, des origines à nos jours, éd. du Cerf, Paris, 1992.

 

RÉFLEXIONS SUR LE PAPE

– Saint Ambroise, évêque, Père et docteur de l’Église (340-397) :

« Où est Pierre, là est l’Église ».

– Saint Jérôme, Père et docteur de l’Église (347-419) :

« L’Église aurait éclaté en autant d’Églises que de prêtres, si Pierre n’avait pas reçu le pouvoir élevé du primat ».

– Pape Pie XII (1939-1958) :

« Ceux qui pensent qu’ils peuvent vénérer le Christ en tant que chef de l’Église sans rester fidèles à Son représentant sur la terre se trompent dangereusement. Car celui qui perd de vue la tête qui est visible, en déchirant le lien visible de l’unité, défigure le corps mystique du Rédempteur jusqu’à Le rendre méconnaissable, empêchant par là celui qui recherche le trésor dit salut éternel de le voir et de le trouver ».

– Saint Vincent de Paul (1581-1660) :

« Mais à qui devons-nous l’obéissance ? La règle (de la communauté NDLR) commence par notre Saint-Père le Pape, c’est le père commun de tous les chrétiens, le chef visible de l’Église, le vicaire de Jésus-Christ, le successeur de saint Pierre : nous lui devons une obéissance, nous qui sommes au monde pour instruire les peuples de l’obéissance qu’ils doivent avoir, aussi bien que nous, pour ce pasteur universel de nos âmes. C’est à nous à leur en montrer l’exemple. Aussi donnons-nous à Dieu pour bien lui obéir et bien recevoir ce qui viendra de sa part ».

– Saint François de Sales, évêque et docteur de l’Église (1567-1622) :

« Heureux ceux qui obéissent, Dieu ne permettra jamais qu’ils s’égarent ».

 

LE SONGE DES TROIS BLANCHEURS

SAINT JEAN BOSCO – 30 MAI 1862

« Transportez-vous, par l’imagination, sur un récif isolé au milieu des flots. Sur cette immensité à perte de vue, un nombre incalculable de vaisseaux rangés en bataille. Leurs proues sont munies de terribles éperons ; leurs flancs remplis d’armes de tout genre : canon, fusils, bombes incendiaires et, chose étrange, de livres. Ils se préparent à livrer un combat terrible à un immense cuirassé qu’ils veulent détruire. Celui-ci, majestueux et redoutable, commande à toute une escorte d’embarcations, qui tentent de repousser la flotte ennemie. Hélas ! la mer et le vent favorisent l’adversaire.

Et voilà qu’au milieu des vagues les dominant de toute leur hauteur, deux colonnes ont surgi. La première est surmontée d’une statue de la Vierge toute pure, chapelet suspendu au bras. À ses pieds cette inscription : Secours des Chrétiens. Sur l’autre, plus élevée et plus massive brille l’Hostie sainte avec ces mots : Salut des Croyants.

La situation paraît plutôt compromise pour le navire qui assure le commandement général, et dont le capitaine se trouve être le souverain pontife lui-même. Le pape, debout à la barre, s’efforce de conduire le navire entre les deux colonnes garnies d’ancres, de chaînes et de crochets. Pendant ce temps, les ennemis multiplient leurs assauts. Les écrits, les livres, les matières incendiaires qu’ils jettent à bord, les canons, les fusils, les pointes de fer font une effrayante besogne et leurs proues infernales heurtent furieusement le navire papal. À un moment donné, un formidable coup ouvre dans son flanc une large et profonde blessure, mais un souffle mystérieux descendant des colonnes cicatrise aussitôt l’ouverture. Au milieu des grondements de la canonnade l’ennemi furieux entreprend alors sur les ponts un corps à corps indescriptible. Tout à coup, le pape lui-même est frappé. Un cri de victoire retentit. Sur les vaisseaux ennemis on exulte et on danse.

Cependant la mort du pape est à peine connue que le successeur est élu. Les adversaires perdent courage. Le nouveau pontife passe à travers tous les obstacles et conduit le vaisseau entre les deux colonnes où il amarre solidement la proue d’un côté à la colonne de l’Hostie et de l’autre à celle de la Vierge. Alors, panique générale. Tous les ennemis se dispersent. Quelques vaisseaux qui avaient lutté vaillamment pour le pape viennent, eux aussi, s’attacher aux colonnes. D’autres qui, loin du danger, avaient attendu prudemment la victoire, suivent leur exemple. Sur la mer règne maintenant un grand calme ».

 

NOTES

[1] Les titres de « Vicaire du Christ » et de « Successeur de Pierre » ont été exclusivement réservés au pape à partir de 1199, sous le pontificat d’Innocent III.

[2] Jean-Paul Il envisage dans son ministère papal « avant tout la valeur positive de la mission d’annoncer et de répandre le message chrétien, de faire connaître la doctrine authentique de l’Évangile ». (…) car « envisager un magistère papal consistant seulement à condamner des erreurs contre la foi, serait un concept réductif et erroné ». Mais il fait référence également à cette deuxième lettre de saint Paul à Timothée : « Le Maître avait averti : ‘S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi’ » (Jn 15, 20). Citant alors les paroles de l’Apôtre, il dit plus loin : « Ce que Paul recommandait à Timothée est encore valable pour les évêques aujourd’hui et tout particulièrement pour le souverain pontife dont la mission est de protéger le peuple des chrétiens contre les erreurs dans le domaine de la foi et de la morale, et de conserver le dépôt de la foi (2 Tm 4, 7). Malheur à lui s’il prenait peur des critiques et des incompréhensions ». (Audience générale du mercredi 10.03.1993, in Discours du Pape, éd. Téqui, n°53 et 1104 de la chronique). – Dans sa dernière encyclique,      Jean-Paul II rappelle aussi que cette exhortation de saint Paul à Timothée (2 Tm 4, 2) « doit trouver un écho particulièrement fort dans le cœur de tous ceux qui, dans l’Église, participent plus directement, à divers titres, à sa mission de ‘maîtresse’ de la vérité. (…) d’abord, nous, les Évêques (…) tous les théologiens (…) pasteurs (…) et tous ceux qui ont une mission d’enseignement, de catéchèse et de formation des consciences ». Puis il souligne que « nous ne devons pas craindre l’hostilité ou l’impopularité, refusant tout compromis ou toute ambiguïté qui nous conformeraient à la mentalité de ce monde (cf. Jn 12, 2). Nous devons être dans le monde mais non pas du monde (cf. Jn 15, 19 ; 17, 16) ». Lettre encyclique Evangelium vitae (L’Évangile de la vie), Jean-Paul II, éd. Téqui, 25 mars 1995, pp. 142-143, n°82.

[3] Mt 10, 2-5 ; Mc 3, 13-19 ; Le 6, 12-16 ; Ac 1, 13. Les quatre évangélistes ont cité d’autres listes qui ne contiennent pas les noms des Douze en entier, mais toutes commencent toujours aussi par citer en premier Pierre. Ainsi Mt 4, 18-21 ; Mc 1, 16-20 ; Lc 5, 8-10 : l’appel des premiers Disciples / Mt 17, 1 ; Mc 9, 2 ; Lc 9, 28 : la Transfiguration / Mt 26, 36-37 ; Mc 14, 32-33 : l’agonie à Gethsémani / Mc 5, 37 ; Lc 8, 51 : la résurrection de la fille de Jaïre / Mc 13, 3 : les questions des Disciples sur la ruine du Temple / Lc 22, 7-8 : la préparation du repas pascal / Jn 21, 1-2 : l’apparition de Jésus ressuscité au bord du lac de Tibériade.

[4] Mt 14, 28-31 : Pierre marche sur les eaux / Mt 15, 15 : explication d’une parabole / Mt 16, 13-19 ; Mc 8, 27-33 ; Lc 9, 18-21 : profession de foi de Pierre / Mt 17, 1-9 ; Mc 9, 2-8 ; Lc 9, 28-36 : la Transfiguration / Mt 17, 24-26 : les didrachmes acquittés / Mt 19, 27 ; Mc 10, 28 ; Lc 18, 28 : Pierre déclare qu’il a tout laissé pour suivre Jésus / Mt 26, 40 : Jésus reproche à Pierre de n’avoir pas veillé / Mc 11, 21 : Pierre est étonné par le figuier desséché / Mc 13, 3 : Pierre interroge Jésus sur la fin des Temps / Mc 16, 7 : l’ange envoie les femmes annoncer aux Disciples et à Pierre la Résurrection / Lc 8, 45 : Jésus touché par l’hémorroïsse / Lc 12, 41 : parabole de l’intendant fidèle qui attend le retour du maître.

[5] Jean-Paul II enseigne sur ce point : « On pourrait penser que Simon se fait le porte-parole des Douze en raison de sa personnalité plus vigoureuse et impulsive. Il est possible que cela entre en jeu. (…) Mais, au-delà et au-dessus de tous les éléments liés au tempérament, au caractère, à l’appartenance ethnique, à la condition sociale, Simon bénéficie d’une illumination et d’une inspiration d’en haut que Jésus qualifie de « révélation ». C’est en vertu de cette révélation que Simon fait la profession de foi au nom des Douze » (Audience générale du mercredi 25.11.1992, in Discours du Pape, éd. Téqui, n°46 et 1092 de la chronique).

[6] Jn 1, 40-42 ; Mt 10, 2; 16, 18 ; Mc 3, 16 ; Le 6, 14. Mais seul saint Jean évoque avec précision l’épisode où le Christ change le nom de Simon en Pierre. Les autres évangélistes n’en font qu’une brève mention.

[7] Cette mission d’affermir ses frères, confiée à Pierre par le Christ, s’est exprimée d’une façon moderne d’abord par les encycliques, surtout depuis Léon XIII (1878-1903), puis par les voyages dans le monde entier des papes Paul VI et Jean-Paul II. À cet égard, voici ce qu’en dit ce dernier : « En outre, grâce aux moyens de transport qui lui permettent de parvenir aux lieux les plus lointains, il (le successeur de Pierre, NDLR) peut apporter le message du Christ aux hommes de chaque pays, réalisant comme on ne pouvait l’imaginer autrefois le ‘Allez’ qui fait partie du mandant divin : Allez et enseignez toutes les nations ». Enfin cette mission s’exprime encore selon Jean-Paul II par « des initiatives et des institutions d’ordre scientifique et pastoral : par exemple en permettant et en favorisant des activités d’études, de sanctification, d’évangélisation, de charité et d’assistance dans toute l’Église ; en promouvant des instituts autorisés et garantis pour l’enseignement de la foi (séminaires, facultés de théologie et de sciences religieuses, académies, etc.), ainsi que tout un éventail d’initiatives de formation et d’action favorisée par le successeur de Pierre » (Audience générale du mercredi 10.03.1993, in Discours du Pape, éd. Téqui, n°53 et 1104 de la chronique).

[8] Voir sur ce point le songe de saint Jean Bosco du 30 mai 1862, communément appelé « le songe des trois blancheurs », dont l’actualité est troublante. Il est peint dans l’église Marie Auxiliatrice à Turin. Nous avons retranscrit la description qu’en fit le saint à la fin de cette plaquette et également dans notre revue avec un extrait du tableau, Pour l’Unité, n°98, octobre 1994, p II de couverture.

[9] Lc 24, 10-11 et aussi en Mc 16, 10-11.1.

[10] Ac 11, 1-18. On remarquera, dans ce texte, que tous ceux qui ont reproché à Pierre le fait d’avoir mangé avec des incirconcis (ils « le prenaient à partie » lit-on), ont fini par se ranger à ses explications.

[11] Le Pape Jean-Paul II explique que « l’incident advenu à Antioche n’impliqua pas un démenti de Paul à l’autorité de Pierre ; Paul avait reproché à Pierre sa manière d’agir sans nullement mettre en discussion l’autorité de ce dernier comme chef du collège apostolique et de l’Église. C’est justement parce qu’il reconnaissait l’autorité de Pierre, que Paul protesta en lui reprochant de ne pas agir en conformité avec l’Évangile » (Audience générale du mercredi 13.01.1993, in Discours du Pape, éd. Téqui, n°50 et 1097 de la chronique).

[12] Cf. Code de Droit Canonique, canon 330.

[13] Rome est d’ailleurs la seule cite où deux Apôtres ont été martyrisés. D’autres villes auraient pu faire valoir leurs prétentions : Jérusalem, Éphèse, Corinthe, Antioche, Philippes ou Thessalonique car un Apôtre y avait vécu ou y avait été aussi martyrisé ou enterré.

[14] Troisième pape de l’Église en l’an 88 et martyrisé en 97. Sa lettre date de 95.

[15] Évêque d’Antioche, né au 1er siècle et mort martyr à Rome vers 107.

[16] Évêque de Lyon, né à Smyrne vers 130, mort à Lyon vers 202.

[17] Évêque de Carthage, né à Carthage vers 200, mort vers 258.

[18] L’attitude des saints et des docteurs de l’Église vis à vis du Saint-Père. En étudiant leurs écrits, on se rend compte qu’aucun d’eux n’a jamais remis en cause la primauté du pape, ni critiqué publiquement une décision pontificale même lorsqu’ils ont eu à en souffrir personnellement. De même, ils ont tous fait preuve d’une grande vénération pour le représentant du Christ sur terre, ainsi que d’obéissance et d’amour filial, car ils ont compris la grandeur de sa mission et ce qu’il représentait sur terre. Il est évidemment exclu de parler de papôlatrie de leur part. Pour ne citer que quatre d’entre eux : sainte Catherine de Sienne (1347-1380), docteur de l’Église. Elle a ramené le pape Grégoire XI (1370-1378) d’Avignon à Rome ; saint Philippe Néri (1515-1595) qui fut le conseiller de nombreux papes. C’est grâce à lui que le pape Clément VIII (1592-1605) accepta en 1593 l’abjuration de la foi protestante d’Henri IV; saint Vincent de Paul (1581-1660), voir ce qu’il dit sur l’obéissance due au souverain pontife à la fin de la plaquette ; saint Jean Bosco (1815-1888). Concernant l’obéissance de Don Bosco, il est intéressant de noter qu’en raison d’un grave différent qui l’opposait à son évêque, il en appela à Léon XIII. Ce dernier lui demanda, pour ne pas désavouer l’évêque et tester sa « sainteté » d’écrire une lettre d’excuses. Après un moment d’hésitation, Jean Bosco obéit !

[19] Cette histoire est longuement développée dans le livre, La primauté du Pape, voir bibliographie.

[20] Concile d’Éphèse : « Personne ne doute, et tous les siècles savent, que le saint et très bienheureux Pierre, chef et tête des Apôtres, colonne de la Foi, fondement de l’Église catholique, a reçu les clés du Royaume de notre Seigneur Jésus-Christ, Sauveur et Rédempteur du genre humain, et que le pouvoir de lier ou de délier les péchés lui a été donné ; jusqu’à maintenant et toujours, c’est lui qui, dans les personnes de ses successeurs, vit et exerce le pouvoir de juger ». Saint Léon 1er le Grand (440-461) : « Ainsi demeure ce qu’ordonne la vérité, et le bienheureux Pierre, gardant toujours cette solidité de pierre qu’il a reçue, n’a pas laissé le gouvernail de l’Église ». Saint Irénée de Lyon : « Avec cette Église (de Rome NDLR), en raison de son origine plus excellente, doit nécessairement s’accorder toute Église ». Saint Ambroise de Milan (340-397) évoque le Siège de Rome d’où découlent sur tous les fidèles « les droits de la vénérable communion ».

[21] Saint Grégoire 1er le Grand (590-604) : « Mon honneur est l’honneur de l’Église universelle. Mon honneur est la force solide de mes frères. Lorsqu’on rend à chacun l’honneur qui lui est dû, alors je suis honoré ».

[22] Homme d’État prussien (1815-1898).

[23] 23. Mc 1, 22 ; Mt 7, 29 ; Lc 4, 32.

[24] Ac 4, 2 ; 5, 28 ; 5, 40-42.

[25] Ac 13,1 ; Ep 4, 11 ; 1 Tm 5, 17.

[26] Cf. Rm 6, 17.

[27] C’est ce qu’enseigne également le Code de Droit Canonique de 1983, canon 753.

[28] Un « concile », du latin « concilium » : assemblée, est une assemblée régulière d’évêques et de théologiens qui décident des questions de doctrine ou de discipline ecclésiastique. Le terme « œcuménique », mot d’origine grec, signifie, dans ce cas, qu’il rassemble tous les évêques de l’Église catholique. Vatican I et II furent des conciles œcuméniques. Il y en a eu 22 dans l’histoire de l’Église catholique. Le premier fut celui de Nicée I en 325.

[29] Un cas célèbre, vers l’an 195, est celui du pape saint Victor 1er (189-199) qui a excommunié l’évêque d’Éphèse, Polycrate, et l’ensemble de l’Église d’Asie mineure, en raison d’un désaccord sur la célébration de la fête de Pâques (le dimanche pour Rome ou le quatorzième jour de la pleine lune suivant le commencement du printemps pour Polycrate). Après plusieurs conciles régionaux, non œcuméniques, en faveur du dimanche, Victor prononça la sentence suprême. Beaucoup d’évêques furent indignés par une telle décision, dont saint Irénée de Lyon. On ne sait pas si Victor s’est dédit, cependant il n’y eut pas de rupture fatale entre l’évêque de Rome et les Églises d’Asie. Pour un autre cas plus grave concernant la controverse sur la validité du baptême conféré par les hérétiques, vers l’an 255, voir in La primauté, pp 30-34, ouvrage cité dans la bibliographie.

[30] Depuis le concile Vatican I on aurait pu penser que les papes allaient plusieurs fois se server de cette infaillibilité. Contre toute attente elle n’a été officiellement utilisée dans sa forme extraordinaire (ex cathedra) et dans les conditions visées ci-dessus que pour la définition du dogme de l’Assomption de la Vierge Marie le 1er novembre 1950 par le pape Pie XII.

[31] Les encycliques, les lettres apostoliques et les autres formes littéraires des papes, surtout depuis Léon XIII en sont l’exemple type. L’assentiment religieux des fidèles à l’égard de ce magistère ordinaire du pape est confirmé par le canon 752 du Code de Droit Canonique de 1983.

[32] Mt 20, 26-27 ; Mc 10, 43-45 ; Lc 22, 26.

[33] Jean-Paul II dit ainsi : « Pour répondre à la volonté du Christ, le successeur de Pierre devra assumer et exercer l’autorité qui lui a été donnée, en esprit d’humble service et dans le but d’assurer l’unité. Dans les différents modes historiques de cet exercice, il devra imiter le Christ pour servir et réunir les appelés à faire partie de l’unique troupeau. Et il ne subordonnera jamais à des fins personnelles ce qu’il a reçu pour le Christ et pour son Église. Il ne pourra jamais oublier que la mission pastorale universelle ne peut pas ne pas impliquer une association plus profonde au sacrifice du Rédempteur, au mystère de la croix » (Audience générale du mercredi 24.02.1993, in Discours du Pape, éd. Téqui, n° 52 et 1102 de la chronique).

[34] Lettre apostolique, Sur l’ordination sacerdotale exclusivement réservée aux hommes, Jean-Paul II, 22 mai 1994, éd. Téqui.

[35] L’un des plus tristement célèbres fut Alexandre VI (1492-1503) de la famille des Borgia. Il vécut plus comme un prince de la Renaissance que comme un pape. II pratiqua ainsi les intrigues politiques, le népotisme, eut une vie privée douteuse et eut même un fils !

[36] Le première forme de conflit du gallicanisme se déroula en 1296 entre Philippe IV Le Bel (1268-1314) et le pape Boniface VIII (1294-1303). Il prit sous Charles VII (1403-1461), le roi que Jeanne d’Arc fit sacrer à Reims, une forme juridique avec la charte pragmatique sanction de Bourges (1438) qui assujettissait l’Église de France à la royauté. À la suite de négociations, Francois Ier (1494-1547) signa avec Léon X (1513-1521) le concordat de 1516 assouplissant les pragmatiques. Louis XIV (1638-1715) fit du gallicanisme un système politique et s’appuya notamment pour cela sur l’assentiment des parlements (gallicanisme parlementaire) et même du clergé (Déclaration des 4 articles rédigés par Bossuet en 1682). La Constitution civile du clergé du 12 juillet 1790 et le concordat de Bonaparte de 1801 allèrent dans le même sens.

[37] Voir question 8.

[38] Le joséphisme est un système de surveillances et de contrôles conçu par Joseph II (1741-1790), empereur germanique, pour subordonner l’Église à l’État.

[39] Le schisme avec les Orthodoxes fut définitivement consommé sous le pape Léon IX (1049-1054) et le patriarche de Constantinople Michel Keroularios qui s’excommunièrent réciproquement les 16 et 25 juillet 1054. Le 7 décembre 1965, Paul VI et le patriarche de Constantinople Athénagoras Ier ont signé un acte abolissant ces excommunications. Saint Léopold Mandic (1866-1942 Padoue) prêtre, slavo-croate, canonisé par Jean-Paul II en 1983 et qui fut un autre « curé d’Ars », s’offrit comme victime pour le retour des Orientaux à l’unité de l’Église.

[40] À cet égard, il est intéressant de noter que saint Dominique Savio (1842-1857), grand ami et élève de saint Jean Bosco, qui « fut gratifié de charismes de révélation, de prophétie et de miracle » était préoccupé par la conversion de l’Angleterre. « Don Bosco rapporte qu’une nuit, Dominique l’emmène chez un moribond inconnu ; il prévoit le renouveau catholique de l’Angleterre » (Jean Bosco, Écrits spirituels, éd. Nouvelle cité, Paris, 1979, p. 162 note 38).

[41] Selon Jean-Paul II, le fait pour le Christ d’avoir présenté Pierre comme fondation de l’Église est « une nouveauté inexplicable dans le contexte culturel et religieux juif dans lequel les présente l’évangéliste. En effet, aucun chef religieux juif ne s’est vu attribuer la qualité de « pierre » de fondation. En revanche, Jésus l’attribue à Pierre. C’est la grande nouveauté introduite par Jésus. Ce ne pouvait être le fruit d’une invention humaine, ni de Matthieu, ni des auteurs ultérieurs. » (Audience générale du mercredi 25.11.1992, in Discours du Pape, éd. Téqui, n°46 et 1092 de la chronique).