« Dans l’espérance nous avons été sauvés » (Romains 8, 24)
Les 10 ans de la Lettre encyclique de Benoît XVI : « Sauvés dans l’Espérance«
Un antidote « salvateur », remède puissant contre le nihilisme, le positivisme et toutes les idéologies de déconstruction
Ces mots de saint Paul ouvrent la deuxième encyclique de Benoît XVI parue en 2007, un antidote « salvateur », remède puissant contre le nihilisme, le positivisme et toutes les idéologies de déconstruction véhiculées par notre époque. L’Espérance n’est pas la promesse d’un bonheur absolu atteignable ici-bas, nous dit le pape émérite. Elle ouvre en revanche vers la certitude que nous sommes « rachetés » par le Rédempteur, le Christ, le « vrai pasteur », pour devenir des hommes intérieurement libres. Cette espérance « ne déçoit pas » car Dieu qui nous connaît personnellement est à la fois « la raison, la volonté, l’amour – une Personne ».
Se concluant avec une prière adressée à Marie, l’Étoile-guide de notre humanité, cette encyclique propose des « lieux » pour apprendre à pratiquer une espérance résolument active et tournée vers les autres : il s’agit de la prière, la consolation (étymologiquement, le fait d’être avec la personne seule) et la perspective du Jugement final, « non pas une image terrifiante, mais une image d’espérance ».
Solide sur le plan de la démonstration, comme toujours chez Benoît XVI, elle est aussi étayée par des références historiques précises et des figures de saints – notamment l’émouvante Joséphine Bakhita, une ancienne esclave canonisée par le pape saint Jean-Paul II. Dans l’antiquité déjà, les « dieux s’étaient révélés discutables et, de leurs mythes contradictoires, n’émanait aucune espérance. » Rien de nouveau sous le soleil : les mêmes causes produisant les mêmes effets, la foi dans le progrès – dont le but est « restaurer le Paradis perdu » – et les idéologies révolutionnaires – marxisme, nazisme, matérialisme – ont mis hors-jeu la liberté de l’homme, laissant derrière elles un terrain de désolation.
En effet, « les deux concepts-clé de raison et de liberté – (…) en opposition avec les liens de la foi et de l’Église (…) – portent en eux un potentiel révolutionnaire d’une force explosive énorme. » En témoignent les innombrables victimes des camps de concentration et des goulags, mais aussi tous ceux qui ont été refroidis, désenchantés, désespérés par des doctrines porteuses d’aucun projet désirable pour l’homme. Benoît XVI nous met aussi en garde contre le risque d’un repli individualiste, d’une « dérobade aux propres responsabilités dans le monde, pour la recherche du salut personnel », contraire à la vocation communautaire de la vraie espérance qui est communion dans le Christ. La « fausse petite espérance » nous éloigne de Dieu. La vraie nous unit à Lui. Benoît XVI montre aussi – l’histoire nous en convainc d’ailleurs – que « l’homme ne peut jamais être racheté simplement de l’extérieur », par la science ou la politique. « L’homme est racheté par l’amour ».
Parue dans une quasi-indifférence il y a dix ans, l’encyclique a gardé toute sa fraîcheur car, malheureusement, il semble que les premiers soubresauts de la crise financière secouant le monde en 2007/2008… n’ont pas suscité de vraie remise en question sur nos modèles de société. Cette crise – de nature « éthique » – n’était peut-être qu’un apéritif par rapport à celle que nous connaissons aujourd’hui, d’une ampleur bien supérieure.
Un texte puissant, court (80 pages), facile à lire (hormis deux ou trois passages plus théologiques). Sa lecture peut transformer notre vision de l’Espérance, nous aider à affronter des questions existentielles – la vie, la mort, le sens de l’Histoire – et nous éclairer sur des enjeux philosophiques actuels – la quête d’immortalité avec le transhumanisme, l’idée de progrès, la liberté.
Fortifiante, se prêtant à différentes grilles d’analyse (théologique, philosophique, historique, politique), elle peut utilement servir de base aux échanges que nous avons avec des croyants d’autres religions… ou des personnes athées. Lorsque par exemple nous pratiquons dans un esprit de Miséricorde l’ « évangélisation du café » au travail.
Méditons enfin ce passage magnifique de l’encyclique : « Je peux toujours encore espérer, même si apparemment pour ma vie ou pour le moment historique que je suis en train de vivre, je n’ai plus rien à espérer. Seule la grande espérance-certitude que, malgré tous les échecs, ma vie personnelle et l’histoire dans son ensemble sont gardées dans le pouvoir indestructible de l’Amour et qui, grâce à lui, ont pour lui un sens et une importance, seule une telle espérance peut dans ce cas donner encore le courage d’agir et de poursuivre. »
• Pol Denis
Mars 2017