Le pape Paul VI (futur bienheureux) et le mystère de l’Église
Décidément, nous avons la chance d’avoir une succession de béatifications et de canonisations des successeurs de l’apôtre Pierre qui ont vécu au 20e siècle. Les canonisés : Pie X, Jean XXIII et Jean-Paul II. Le prochain béatifié sera le pape Paul VI (pape de 1963 à 1978), le 19 octobre. Notre Mouvement se réjouit de cet événement car ce pape a eu une conscience aiguë du mystère de l’Église. C’est donc avec grand intérêt que je vous livre des extraits significatifs de l’encyclique Ecclesiam Suam (1964) sur l’Église, écrite par Paul VI entre deux sessions du concile Vatican II.
Il est capital, aujourd’hui, que les catholiques aient toujours plus conscience du mystère de l’Église pour comprendre l’action qu’elle mène dans le monde sous l’action de l’Esprit Saint. Autrement, le risque est de se laisser submerger par les théories ambiantes qui veulent réduire l’Église à l’état d’une simple ONG. Elle y perdrait son âme et ne serait plus le sel de la terre. Le concile n’a jamais été une réforme pour adapter l’Église au monde mais pour que les catholiques aient plus conscience de « l’illumination » de leur baptême et rayonnent d’autant mieux dans le monde en lien avec la hiérarchie ecclésiale. C’est alors qu’ils sont poussés à entrer en dialogue avec lui.
Vincent Terrenoir
Vénérables frères et chers fils,
Salut et bénédiction apostolique
1 – L’Église du Christ Jésus a été voulue par son Fondateur comme mère aimante de tous les hommes et dispensatrice du salut. Rien d’étonnant dès lors si elle a été l’objet d’un amour souverain et du dévouement le plus empressé de la part de tous ceux qu’animait le zèle de la gloire de Dieu comme du salut éternel de l’humanité. […]
37 – Le premier fruit d’une conscience approfondie que l’Église prend d’elle-même est une découverte renouvelée de son rapport vital au Christ. Chose très connue, mais fondamentale, mais indispensable, mais jamais assez connue, méditée et célébrée. […]
Le Mystère de l’Église.
38 – Nous savons bien que c’est un mystère. C’est le mystère de l’Église. Et si, avec l’aide de Dieu, nous fixons le regard de l’âme sur ce mystère, nous en obtiendrons de nombreux bienfaits spirituels, ceux, précisément, dont nous croyons que l’Église a actuellement le plus grand besoin. La présence du Christ, sa vie même, entrera en action dans chacune des âmes et dans l’ensemble du Corps mystique par l’exercice de la foi vive et vivifiante, selon la parole de l’Apôtre :
« Que le Christ habite par la foi dans vos cœurs. » (Eph., 3, 17.) La conscience du mystère de l’Église est en effet le résultat d’une foi mûre et vécue. Elle produit dans l’âme ce « sens de l’Église » qui pénètre le chrétien grandi à l’école de la parole divine, nourri de la grâce des sacrements et des inspirations ineffables du Paraclet, entraîné à la pratique des vertus évangéliques, pénétré de la culture et de la vie de la communauté de l’Église et profondément joyeux de se sentir revêtu du sacerdoce royal qui appartient en propre au peuple de Dieu (cf. 1 Pierre, 2, 9).
39 – Le mystère de l’Église n’est pas un simple objet de connaissance théologique, il doit être un fait vécu dans lequel, avant même d’en avoir une notion claire, l’âme fidèle peut avoir comme un expérience connaturelle ; et la communauté de croyants peut trouver la certitude intime de sa participation au Corps mystique du Christ quand elle se rend compte que ce qui la fait commencer, l’engendre (cf. Gal., 4, 19 ; 1 Cor., 4, 15), l’instruit, la sanctifie, la dirige, c’est le ministère de la hiérarchie ecclésiastique instituée divinement, si bien que par ce canal béni, le Christ répand dans ses membres mystiques les communications merveilleuses de sa vérité et de sa grâce et confère à son Corps mystique, pèlerin dans le temps, sa structure visible, sa noble unité, le caractère fonctionnel de son organisme, sa variété harmonieuse, sa beauté spirituelle. Les images ne suffisent pas à traduire en concepts accessibles la réalité et la profondeur d’un tel mystère ; cependant après l’image que Nous venons de rappeler, du Corps mystique, suggérée par saint Paul, il y en a une autre dont nous devrons nous souvenir, parce que suggérée par le Christ lui-même, celle de l’édifice dont il est l’architecte et le constructeur ; édifice fondé, il est vrai, sur un homme naturellement fragile, mais transformé miraculeusement par lui en pierre, solide, c’est-à-dire doué d’une indéfectibilité prodigieuse et sans fin : « Sur cette pierre, je construirai mon église. » (Mt., 16, 18.)
NB : Voici ce que dit l’un de nos fondateurs, le père Fillère, à comparer avec le début du n° 39 : « L’Église est pour nous une cause aimée. Elle n’est pas l’objet d’une opinion mais d’une attitude. Le mot Unité désigne pour nous l’Église. Ainsi l’Église cesse d’être une thèse théologique pour devenir une cause, l’objet d’une tendresse, voire d’un amour passionné. » Surprenant, n’est-ce pas ?
Pédagogie du baptisé
41 – Il faut redonner au fait d’avoir reçu le saint baptême, c’est-à-dire d’avoir été inséré par ce sacrement dans le Corps mystique du Christ qui est l’Église, toute son importance. Le baptisé doit, en particulier, prendre conscience de la valeur de son élévation, mieux, de sa régénération, de son bonheur d’être réellement fils adoptif de Dieu, d’avoir la dignité de frère du Christ, de son privilège de grâce et de joie provenant de l’habitation de l’Esprit-Saint, de sa vocation à une vie nouvelle, qui n’a rien perdu d’humain, excepté les conséquences malheureuses du péché originel, et qui peut, au contraire, donner à ce qui est humain son expression la meilleure et lui faire produire les fruits les plus riches et les plus purs. Être chrétien, avoir reçu le saint baptême ne doit pas être considéré comme une chose indifférente ou négligeable ; cela doit marquer profondément et heureusement la conscience de tout baptisé ; le baptême doit être considéré par lui, à l’exemple des chrétiens de l’antiquité, comme une « illumination » qui fait tomber sur lui le rayon vivifiant de la Vérité divine, lui ouvre le ciel, projette un jour nouveau sur sa vie terrestre, le rend capable de marcher comme un fils de lumière vers la vision de Dieu, source de béatitude éternelle.
Pape Paul VI