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Pour l’Unité

du monde par l’Église catholique

« Rassembler dans l'unité les enfants de Dieu dispersés » (Jean 11, 52)
▪︎ Publié il y a 8 ans ▪︎

Le sens de notre baptême (5)

Dans notre précédent billet spirituel (juillet-août), nous avions souligné combien l’universalité du péché originel ne pouvait trouver sa justification morale qu’à travers l’universalité du Salut offert en Jésus-Christ. Par conséquent, nier la réalité du péché originel priverait la Rédemption elle-même de toute signification.

1- C’est d’abord en nous que l’on trouve l’historicité du péché originel

Ceci étant dit, le péché des Origines pourrait-il être un fait que les méthodes d’investigation, propres aux sciences historiques, pourraient assurément discerner sur l’échelle du temps ? Au regard des simples critères rigoureusement scientifiques des historiens, il est manifeste qu’une telle catastrophe n’est mentionnée par aucune sorte de documents qui seraient antérieurs à la Bible et encore moins contemporains des Origines ! Pour beaucoup, dès lors, l’absence de preuve devient elle-même LA preuve que le péché originel ne serait en fait qu’une fable de l’Église destinée à justifier la pratique pastorale du baptême des petits enfants.

Mais ce serait oublier, précisément, que le péché des Origines a véritablement fait date et sens dans l’histoire de la foi d’Israël aussi loin que puissent remonter ses origines. Pareillement, ce serait faire abstraction que le péché des origines, sous sa forme actuelle de péché originel, continue de faire date et sens au cœur même de notre existence.

C’est pourquoi, l’historicité du péché des Origines se révèle avant tout dans l’expérience douloureuse et personnelle de notre propre finitude. En effet, nous désirons jouir pleinement de la vie. Toutefois, la maladie, la souffrance et la mort semblent, de manière radicale, contredirent cette aspiration naturelle au bonheur. À l’évidence, notre nature humaine présente donc comme un vis de forme. Nous sommes incapables de parvenir au bonheur parfait auquel tend notre nature humaine, malgré l’énergie de toutes nos forces, de tout notre cœur et de toute notre âme. Certes, on nous objectera sans doute que c’est là une interprétation purement philosophique à laquelle la théologie apportera une raison supérieure. Mais précisément ! L’historien ne peut se contenter d’étudier l’histoire comme un simple déroulement de faits aléatoires. Il ne peut échapper lui-même au devoir d’interpréter les faits pour pouvoir discerner en quoi, faisant date et sens, ils sont précisément des événements historiques et à ce titre, constitutifs de l’Histoire universelle des hommes.

C’est ainsi que les traces du péché des origines, affectant notre nature humaine, ne peuvent pas être recherchées dans les profondeurs géologiques de la terre, à la manière de fossiles préhistoriques, mais d’abord et avant tout dans les profondeurs psychologiques mêmes de notre condition humaine !

Cette considération, que l’historien ne saurait dès lors ignorer, sinon en avouant humblement ses limites en la matière, nous place, pour ainsi dire, au « seuil historique » de cet événement universel que constitue le péché des Origines. Franchir ce seuil, c’est accepter d’entrer alors dans une compréhension révélée de la « préhistoire théologique » de l’homme telle que la Bible nous l’enseigne.

2- Historicité sotériologique du péché originel

Comme nous l’avons déjà mentionné, au regard de la théologie, l’universalité du péché originel est intimement liée à l’universalité de la Rédemption en Jésus-Christ. À ce titre, le péché originel est « ce à partir de quoi » l’histoire de l’humanité a pris la forme d’une histoire de salut. Il est, pour ainsi dire, « la cause matérielle » de notre Salut, la raison pour laquelle nous chantons, au cours de la vigile pascale : « Bienheureuse faute qui nous valut un tel Rédempteur ! »

En effet, dans la pure hypothèse qu’Adam et ses descendants n’eussent pas péchés, l’histoire de l’humanité n’aurait jamais été l’histoire d’une réconciliation entre Dieu et les hommes. Sans doute aurait-elle été une belle et merveilleuse histoire mais sans les larmes, toutefois, de Marie-Madeleine ou de sainte Monique, sans les élans du cœur d’un saint François d’Assises ou d’un saint Curé d’Ars. Sans le péché des Origines, nous n’aurions jamais véritablement connu quelles sont « la profondeur, la hauteur, la largeur et la longueur de l’amour de Dieu. » Saint François de Sales aimait affirmer que « la rédemption de Notre-Seigneur, touchant nos misères, les rend plus utiles et aimables que n’eût jamais été l’innocence originelle[1]. »

Encore une fois, il est important de le rappeler, l’historicité même de la Rédemption en Jésus-Christ implique l’historicité même d’un péché originel. Selon ce point de vue, le péché des origines relève donc « d’une historicité sotériologique » au même titre, par exemple, que l’existence d’Adam et Ève relève d’une « historicité anthropologique ». Sotériologique est un mot propre à la foi chrétienne. « Soter » vient du grec et signifie « Sauver ». Est sotériologique, par conséquent, tout événement qui entretient un rapport de dépendance avec le Salut apporté en Jésus-Christ.

Disgrâce d’Adam et grâce de l’adoption filiale

Désireux, depuis toute éternité, de nous faire participer à sa vie divine, la disgrâce d’Adam dans le péché n’a pas pour autant tenu en échec le plan de Dieu. Car Dieu lui-même, dit saint Paul aux Éphésiens (Cf. chap. 1), nous a élus dans le Christ Jésus. C’est par le Christ, en effet, que la Rédemption du genre humain a été accomplie. C’est par Jésus, désormais, que la vie divine nous est offerte. Cette vie divine, qui excède les proportions de notre propre nature humaine, comblera nos cœurs d’une ineffable joie. Mais comment Dieu souhaite-t-il nous communiquer cette vie ? Eh bien en nous adoptant comme ses enfants. En vertu d’une miséricorde incompréhensible à notre égard, Dieu nous prédestine à être non plus seulement des créatures mais aussi ses enfants d’adoption. C’est par la grâce du baptême que se réalise cette adoption filiale. Cette grâce a pour effet surnaturel de nous greffer à la relation filiale qui, au sein de la Trinité même, unit le Fils au Père.

 

• Père Jérôme Monribot

Octobre 2016

 

[1] Traité de l’Amour de Dieu, Livre II, chap. 5.