Osons aimer notre pays
L’un des sports favoris en France – future discipline olympique aux JO de Paris 2024 ? – consiste en une pratique régulière de la repentance mémorielle. Les demandes de pardons pour des fautes que la France estime avoir commises dans le passé se multiplient à l’école, dans les journaux et dans les déclarations politiques. L’histoire de France est ainsi de plus en plus enseignée et commémorée sous un angle moralisateur. Colonisation-collaboration résumeraient l’essentiel de ce qu’il faut retenir de notre histoire nationale…
Une relecture culpabilisatrice de notre passé finit par gommer ce qu’il y a de positif dans notre histoire (et il y en a tant !). Quel est le moteur de cette désolante entreprise sinon la haine de soi, surprenant les pays étrangers (eux-mêmes pas exempts de reproches) ? Suscitant de leur part au mieux la compassion, au pire le mépris, elle ne changera pas le passé et ne présagera pas de l’avenir car l’homme tant qu’il restera l’homme exercera sa liberté pour le meilleur… et pour le pire. L’auto-flagellation remplace ainsi à bon compte n’importe quel autre tribunal. Il n’y a pas plus efficace ennemi que soi-même ! Sommes-nous surpris de cela ? Les arbres doivent être jugés à leurs fruits ! Or, que peuvent produire les arbres plantés par nos intellectuels soixante-huitards à l’école, dans les universités, dans les journaux, sur les plateaux de télévision… sinon les fruits amers de la pensée unique ? Et que font les « cuisiniers d’opinion » de ses fruits sinon des Cocktails Molotov projetés symboliquement contre notre patrimoine historique pour tenter de le réduire en un champ de ruines ?
Il fallait désormais une nouvelle victime à nos pyromanes de service jamais en panne d’idée. Qu’est-ce qui en dehors de son histoire caractérise le mieux un pays, sinon sa langue ? Nous y sommes avec l’écriture inclusive, nouvelle injonction ! « Péril mortel » pour notre langue si l’on en croit l’Académie française.
Mais quel culot de vouloir imposer la déformation de notre langue sans consulter au préalable le monde de la francophonie (84 pays – 220 Millions) porté par une dynamique démographique sans pareil ! Oui, cette politique de mésestime de soi, portée au niveau national, se conjugue avec une volonté néo-impérialiste de faire la leçon aux autres. Curieux paradoxe de vouloir conjurer le colonialisme et en même temps le reproduire, en imposant sournoisement par la langue le modèle repoussoir du gender dont nos partenaires africains ne veulent pas. Mais alors méritons-nous tant d’admirateurs de la civilisation française, amoureux du raffinement de notre langue et notre culture ? Qu’en est-il du respect des autres dont se targuent nos gouvernants ? Sont-ils si respectueux des autres peuples qu’ils déforment un héritage en partage sans demander l’avis aux autres légataires ?
Car c’est bien d’héritage dont il est question. Les Français et les amoureux de la France sont les cohéritiers de biens précieux qui ne devraient être l’objet d’aucune taxation ou expropriation « morale ». L’histoire, la langue, le patrimoine architectural, l’art (le vrai), la gastronomie forment un tout indissociable, alliant le bon grain et l’ivraie, cabossé et florissant, ouvert au monde tout en gardant ses caractéristiques propres. Ce que l’on a longtemps appelé le génie français, sans paraître orgueilleux, a connu/connaîtra des hauts et des bas.
Cet héritage nous renvoie à son origine spirituelle. Il procède en effet d’un don gratuit de Dieu reçu au baptême de Clovis et entretenu par les saints de notre histoire. Notre pays – chaque pays – est inscrit dans le plan plein d’amour de Dieu, marchepied de notre conscience nationale. La France comme fille aînée de l’Église a reçu une mission particulière, au service de l’évangélisation des autres nations. Sa vocation est d’annoncer au monde le cœur même de l’Évangile, le commandement d’amour de Notre Seigneur applicable aux individus comme aux nations (« aimer Dieu, aimer son prochain comme soi-même »). Cet amour gratuit et miséricordieux, piétiné et rejeté, est pourtant la matrice véritable, le commencement et la fin de l’histoire de chaque nation.
Revenons à la frénésie des commémorations, cette spécialité bien française. Jupiter nous promet pour l’an prochain de remettre le couvert avec les 50 ans de mai 68. Miam miam ! On nous resservira à cette occasion les plats du binôme progrès-liberté, mamelles de la Révolution… accompagnés certainement d’une dose pimentée de repentance et de gender. Histoire de bien montrer que la Révolution est un bloc politico-sociétal destiné à libérer l’homme de tous ses conditionnements, d’en faire un homme nomade et asexué… sans boussole et sans histoire. Nous réviserons aussi nos classiques, « sous les pavés, la plage ! ». Triste slogan, non seulement has been, mais au goût amer. Car, avouons-le, sous les pavés de la Révolution, la plage a plutôt l’aspect de cendre…
Alors, souhaitons que la France, enfant prodige et prodigue, fille aînée et fille rebelle, souffle sur cette cendre ! Elle redécouvrira dessous l’inestimable trésor légué par les générations de saints célébrés et méconnus qui ont façonné la France. Soyons en sûrs, l’avenir de notre pays se jouera sur la reconquête affective et effective de cette beauté cachée : notre identité chrétienne, le trésor des trésors. En nous approchant de la Crèche, nous nous apprêtons à en célébrer l’Auteur. Noël, véritable commémoration qui vaille, celle de notre Salut, celle de la naissance du Verbe incarné dans l’histoire des hommes !
Pol Denis
Décembre 2017