La P’tite revue n°19 (janvier 2018)
Le mot du président : Mai 68 et la remise en cause de l’autorité : celle de Dieu, le Père ?
Chers amis,
Quel rapport peut-il bien y avoir entre mai 68 et la remise en cause de l’autorité de Dieu, le Père ? Je ne tournerai pas autour du pot et vous inviterai à réfléchir sur ces 50 dernières années. Mai 68 est une révolution réussie, qui, par l’un de ses aspects, a particulièrement secoué l’ordre établi et les valeurs traditionnelles en France (révolution qui a eu lieu également dans d’autres pays), battant en brèche de façon délibérée le principe d’autorité.
Mai 68 est loin d’être une contestation spontanée bon chic, bon teint. Elle est à la fois l’œuvre de révolutionnaires anarchistes-libertaires et marxistes-léninistes rompus aux méthodes contestataires et de déstabilisation, influencés, notamment, par des penseurs qui remettaient en cause l’ordre de la Création, de l’homme au sein de cette création et de son rapport avec Dieu. (Cf. Jean-Paul Sartre, 1905-1980, et son existentialisme athée des plus pessimistes. Pour ce penseur, il est impossible d’obtenir une définition théorique qui permettrait de savoir précisément ce qu’est l’homme. Celui-ci existe sans savoir pourquoi et se définit uniquement par rapport aux actions qu’il a posées. C’est l’inverse du judéo-christianisme. Sartre dira s’être senti très proche de mai 68).
Les slogans assassins de l’autorité (voir encadré ci-dessous), pour humoristiques qu’ils puissent être parfois, sont particulièrement révélateurs de l’état d’esprit de mai 68. À y bien réfléchir, ils ramènent en réalité à cet épisode révolutionnaire du temps jadis où le plus célèbre couple de l’humanité a volontairement rejeté l’autorité de… Dieu, le Père, et de l’ordre établi. « Vous serez comme des dieux », auraient certainement pu écrire aussi les « soixante-huitards » sur les murs du Quartier latin !
Car, effectivement, l’un des aspects de cette crise de civilisation, qui n’a pas vraiment eu pour but de prendre le pouvoir, a été de rejeter le principe de l’autorité et de l’ordre établi, celui qui permet à l’homme de se développer dans une saine et naturelle harmonie en reconnaissant qu’il s’inscrit dans un cosmos qui le dépasse et qui est bien l’œuvre de Dieu, son Père. Et tant dans l’inconscient collectif que dans la réalité, c’est bien le Père qui représente l’autorité, qui fixe le permis et l’interdit. Mai 68, en rejetant d’emblée cette notion d’autorité, a tué en réalité Dieu, le Père. La symbolique est très forte. Je pense qu’elle est passée inaperçue sur un plan spirituel.
Cette crise de l’autorité aura engendré plusieurs conséquences, parmi lesquelles :
• la poussée de l’individualisme hédoniste, véritable dogme, incitant tout un chacun à satisfaire par tous les moyens ses désirs, même les plus ahurissants, pour vivre sans entrave,
• la montée en puissance d’un féminisme, aux contours parfois revanchard et outrancier, qui semble vouloir se passer de l’homme. À croire qu’il voudrait lui faire porter le poids de bien des maux de la société,
• une violence qui s’attaque non seulement aux symboles de l’autorité de l’État (justice, police), mais qui touche aussi les citoyens dans leurs relations quotidiennes et au sein de la famille. Le manque d’autorité et de cadre, dès le plus jeune âge, crée un climat propice à cette violence.
Mai 68 n’est donc pas un mouvement anodin. Il s’inscrit dans ce grand combat de l’Histoire de l’humanité, avec le bon grain et l’ivraie, qui touche à la fois chacun d’entre nous et chaque pays. Pas d’inquiétude, toutefois, car n’oublions pas que rien n’arrive sans la permission de Dieu. Il est le Maître de l’Histoire (cf. Dn 2, 21) et par conséquent de l’histoire de chacun d’entre nous, n’en déplaise à Sartre et aux autres « soixante-huitards ». Traçons notre route avec cette confiance en Dieu chevillée à l’âme et au corps (« J’ai confiance, je n’ai plus de crainte » Isaïe 12, 2). Que Dieu vous garde !
Vincent Terrenoir
Slogans de mai 68 : « il est interdit d’interdire », « jouissez sans entrave », « la liberté est le crime qui contient tous les crimes. C’est notre arme absolue ! » (ce 3e slogan, inscrit sur l’un des murs de la Sorbonne, est emprunté au sulfureux marquis de Sade…)